dimanche 8 novembre 2015

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Sans respect, pas de démocratie équilibrée

Parier sur l’humain et sa capacité à vivre sa liberté de manière responsable est une des convictions les plus fortes des centristes.
De ce point de vue, ils se rattachent à cette longue lignée de philosophes qui de Montaigne (affirmant l’importance de ce que Sénèque appelait «se faire soi-même») en passant par Descartes (affirmant la réalité de l’individu par le «je»), Leibniz (affirmant la différence de chaque individu par le concept de la monade), Locke (affirmant que la liberté est constitutive de l’humain dès sa naissance) ou encore Kant (affirmant l’autonomie de l’humain fin en lui-même) et Stirner (affirmant le primat de l’individualité sur la liberté) jusqu’à Mounier (affirmant, en tant qu’adepte du christianisme qui parle d’un Dieu personnel, que l’individu est une personne dans la société, ce qui lui confère des droits et des devoirs) ont, chacun, apporté leur pierre fondamentale à la construction de la théorie du Centrisme qui permet de faire de l’être humain un individu et une personne à la fois, sachant que seul un individu libre et autonome peut devenir une personne à la dignité reconnue.
Mais ils savent, comme Tocqueville, que l’approfondissement de la démocratie induit un individu plus autonome qui réclame encore plus d’autonomie au détriment de ce lien social indispensable à l’existence de toute communauté pacifiée et solidaire, seule entité qui peut garantir à la personne de vivre le plus pleinement possible son individualité en toute sécurité au prix d’une limitation de sa liberté là où commence celle de l’autre.
Ainsi l’approfondissement de la démocratie au XXI° siècle dans les pays où elle est installée depuis des siècles ou des décennies se heurte à l’intérêt égocentrique d’un individu qui revendique de ne plus être bridé dans de multiples domaines au nom de ses droits inaliénables à tout revendiquer tout en minimisant, voire en oubliant, ses devoirs.
Cette revendication délite petit à petit le vivre ensemble au profit d’une coexistence pas toujours pacifique où l’on ne vit plus ensemble mais où l’on partage un espace dans une tension perpétuelle.
Si l’on souhaite, comme les centristes, que la personne puisse vivre son individualité dans le plus de liberté possible, il faut absolument que nos démocraties républicaines avancées deviennent des sociétés du respect.
L’importance pour le bon fonctionnement de la démocratie de cette vertu qu’est le respect, que l’on peut définir par le fait de prendre en compte la dignité humaine chez soi et chez l’autre en s’imposant un comportement moral et un autocontrôle social par rapport à son éthique existentielle, ainsi que son absence ne sont pas nouvelles malgré ce que l’on pourrait croire.
Le prix Nobel de la paix, le Français Frédéric Passy pouvait déjà constater, lors d’une conférence à la fin du XIX° siècle, «qu'il n'y a plus de respect, ni dans la famille, ni dans la société, ni dans cette sphère supérieure qui s'appelle la société des nations».
Et d’affirmer que «la liberté, c'est le respect d'autrui. Or sur quoi peut se fonder ce respect de soi-même et des autres, sinon sur le sentiment de quelque chose de supérieur à nous-mêmes, de quelque chose qui dépasse ces réalités passagères et variables, d'un droit qui domine nos intérêts mobiles et incertains et d'une juridiction suprême à laquelle seule, lorsque ce droit dont nous avons la conscience est violé, nous puissions en appeler».
«Oui, poursuit-il, tout se résume dans le respect de la personnalité humaine, fondé sur ce sentiment que la personnalité humaine est sacrée, parce qu'elle n'est pas un accident passager.»
Mais il n’est pas le seul à mettre le respect au centre de la relation entre individus.
Pierre-Joseph Proudhon écrit que «la Justice implique au moins deux termes, deux personnes unies par le respect commun de leur nature, diverses et rivales pour tout le reste. Qu’il me prenne fantaisie de m’adorer: au nom de la Justice, je dois l’adoration à tous les hommes».
On le constate, le respect est bien une pierre angulaire à la démocratie.
Or, le problème est qu’il ne se décrète pas par une loi (le «respect de la loi» est une obligation sociale agrémentée de sanctions lorsqu’il est transgressé pas un comportement) et ne s’impose pas par quelque force surnaturelle.
Il doit émaner directement de chacun.
D’où la nécessité de le mettre au premier rang des préoccupations de la société, d’en faire un enseignement répété tout au long du cursus scolaire et universitaire et de le considérer comme un acte de citoyenneté et de le célébrer comme tel.
En outre, si l’on a vu qu’il est cœur des réflexions des penseurs depuis longtemps, il est vrai que nos sociétés, au-delà même de leurs régimes politiques, sont devenues de plus en plus égocentriques, des Etats-Unis à la Chine, de la France à l’Inde, de la Grande Bretagne à la Russie.
Car la disparition programmée du respect déjà bien loin de ce qu’il devrait être si l’on ne s’en occupe pas, vient avant tout d’une autonomisation de l’individu qui se voit partout dans le monde et qui provient d’un système économique débridé, un dévoiement du système capitaliste libéral, qui récompense celui qui gagne contre les autres, qui amasse des fortunes au détriment de la communauté et qui s’achète le respect de la société sans pour autant se conformer aux règles tout en, bien sûr, ne respectant pas l’autre.
Tant que ces comportements seront des modèles de réussite, le respect ne pourra triompher, ni même survivre.
Quoi qu’il en soit, le constat est là et il convient d’agir vite pour remettre, grâce au respect, de l’humanisme dans les rapports sociaux.
Si tel n’est pas le cas, la démocratie républicaine deviendra à échéance plus ou moins longue un désert aride où le conflit deviendra la norme du vivre ensemble.
Un désastre, en somme.


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