vendredi 21 décembre 2018

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Il n’y a pas deux France mais de multiples

La France d’en-haut et celle d’en-bas, celle des métropoles et celle de la périphérie, celle des riches et des pauvres, des diplômés de l’enseignement supérieur et de l’échec scolaire, celle des élus et des électeurs, et l’on pourrait continuer, sans bien sûr oublier celle des élites et celle du peuple, distinction qui est devenue récemment celle des sans et celle des avec gilets jaunes, nos «spécialistes», nos «experts», nos «commentateurs» et nos «intellectuels» médiatiques ont trouvé le bon filon pour délivrer une pensée binaire, évidemment caricaturale et pauvre mais, pire, fausse qui leur permet de parader avec, en poche, leur kit prêt à l’emploi de réponses basique et parfois d’une inconsistance abyssale afin de pouvoir «réconcilier» ces deux France ou d’expliquer que cette dernière n’est pas possible et qu’il faut se préparer à la révolution si tendre à leurs fantasmes.
Faire rentrer les gens dans des cases a toujours été l’objectif de ceux qui en simplifiant à l’extrême se parent d’une explication soi-disant simple mais en réalité simpliste qui permet la posture du «je-sais-tout» et «j’ai-tout-compris».
Le Centre et le Centrisme a toujours refusé ces cases où l’on enferme le gens parce qu’ils sont le lieu et la pensée de la reconnaissance de l’individualité irréductible de chaque individu, cette différence ontologique qui est notre plus grand bien et qui n’est pas soluble dans de sommaires cases grossières et des théories manichéennes.
Chaque personne (au sens du personnalisme) est un individu-monde et l’on peut prétendre sans se tromper qu’il y en a plus de 67 millions de ces mondes en France…
Bien entendu, il ne s’agit pas de nier la science politique, la sociologie ou l’anthropologie, ni même leur volonté de créer des groupes distinctifs dans la population à partir de certains critères.
Mais ce sont des outils qui permettent de comprendre des phénomènes et des situations, pas de faire des raccourcis aussi peu scientifiques que grandement dangereux car permettant de créer des oppositions exacerbées entre des groupes aux contours aussi larges que grossiers.
Ce fut l’un des pêchers de Marx et cela reste celui du marxisme de s’y adonner avec les classes sociales qui permettaient et permettent toujours à certains de vous mettre dans l’une ou l’autre alors même que les situations de ceux qui se trouvent regroupés dans telle ou telle, sont disparates et ne représentent ni des comportements sociaux, ni des aspirations existentielles, ni des manières de vivre identiques.
En réalité, cette présentation dichotomique permet de créer de la tension, d’attiser les haines et de provoquer des chocs frontaux parfois paroxystiques.
C’est si vrai que les promoteurs de ces théories binaires sont souvent des militants politiques qui veulent démontrer la pertinence de leurs idéologies (et la validité de leurs pratiques clientélistes) plutôt que de relater des faits issus d’une réelle recherche scientifique.
Dans nos sociétés modernes qui voient la montée de l’autonomisation égocentrique assistée irresponsable irrespectueuse insatisfaite de l’individu, celle qui est une menace pour la démocratie républicaine (et non l’individualisme dont elle n’est qu’une perversion), réduire ce maelström presque infini de différenciations et de demande de leurs reconnaissances à une variable booléenne, ressemble à des élucubrations idéologiques et à de la supercherie.
Mais elle est tellement reposante sur le plan intellectuel que nous n’avons malheureusement pas fini de nous la voir rabâcher à longueur de journées.
In fine, soit la France est soit une, c’est-à-dire que dans sa diversité, elle fait société et crée cette communauté d’intérêt et de sécurité où l’on partage des valeurs basiques et un lien social (cette «fiction» permet le vivre ensemble), soit elle est décomposée en autant d’habitants qu’il y en a sur son territoire.
Mais elle n’est jamais deux.


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