mardi 7 avril 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Le monde d’après peut-il être autre chose que le monde d’avant?

Pas besoin de remonter à 1918, 1929 ou 1945 mais seulement à 2008.
Lors de la grande récession, on a dit, «plus jamais ça», plus jamais un monde dirigé par des financiers véreux et sans scrupules qui avaient inventé, avec l’accord tacite de plusieurs politiciens et en douce de la population, des outils sophistiqués afin de s’enrichir au-delà de toute tout décence en détruisant presque le système économique et financier.
Et que dit-on aujourd’hui, que tous les fondamentaux existent pour qu’une crise comparable à celle-ci menace à nouveau les économies de la planète…
Comme tout le monde, à l’époque, j’avais affirmé que tout ne serait plus comme avant:
«Le monde d’après la crise devrait être un peu plus responsable, c’est la condition sine qua non pour que ce qui se passe actuellement ne puisse plus se reproduire, en tout cas avec la même intensité. Responsable n’est pas qu’un mot lancé en l’air comme le font beaucoup qui pensent ainsi se dédouaner d’agir. Responsable, c’est, à la fois, adopter une manière d’agir responsable mais aussi prendre des mesures responsables.»
Je souhaitais que «la crise nous permette de prendre un virage salutaire pour enfin démarrer ce XXI° siècle avec la prise en compte de la réalité du monde dans lequel nous vivons».
Et je concluais en disant que «nous n’avons plus d’excuse».
Douze ans après, c’est comme si nous étions dans le monde d’avant et nous avons trouvé toutes les justifications pour nous disculper de notre inaction.
Alors, quand avec l’épidémie de covid19, nous sommes en train de dire… «plus jamais ça»…
Or, si on ne peut comparer une crise financière avec une crise sanitaire, le monde d’après risque furieusement de ressembler à celui d’avant.
Pourquoi?
Parce qu’au-delà du secteur d’activité concerné, nos agirs obéissent malheureusement à plusieurs constantes que nous dévoile l’Histoire.
Avant tout parce que nous n’apprenons pas grand-chose des crises une fois qu’elles sont derrière nous et que la vie à repris son cours normal, à la fois par une volonté d’oubli des moments difficiles et par ce manque de mémoire que nous cultivons sans cesse, refusant les leçons du passé comme le prouve l’ignorance crasse dans laquelle se trouve aujourd’hui les jeunes générations sur le nazisme et ses crimes, ignorance dont, nous, les anciennes générations sommes responsables en grande partie.
Mais aussi parce que changer le monde est une entreprise qui n’est pas aussi simple que de le prétendre.
Il ne faut une énergie sur le moyen et long terme qui n’est pas notre principale qualité avec une résolution de tout remettre à plat qui se heurte à tous les intérêts individuels et collectifs, égoïstes et corporatistes qui font une société.
Et cette énergie, lentement mais sûrement s’éteint.
Enfin, parce que nous sommes toujours et tout le temps à la merci d’événements que  nous ne savons pas prévoir, voire qu’il n’est pas en notre pouvoir e prévoir.
Demain, il se peut qu’un météorite tombe sur la terre et crée une catastrophe majeur, tout comme le ferait l’irruption simultanée de plusieurs des grands volcans.
La survenance d’un nouveau virus, encore plus virulent, est du même acabit.
La peste noire du XIV° siècle est là pour nous rappeler notre précarité en la matière.
Notre existence terrestre sera toujours fragile et les possibles ravages du réchauffement climatique dont nous sommes responsables en sont bien la preuve.
Pour autant, il serait inconséquent et criminel de baisser les bras.
Parce que nous avons les armes pour nous prémunir ou atténuer ad minima de nombreuses crises si nous décidons de les utiliser.
Depuis 1347, nos progrès en matière d’hygiène, de médecine et de recherche scientifique nous ont permis de combattre nombre de bactéries et de virus efficacement.
Nous ne sommes plus au temps de Louis XIV où l’on estimait que se laver le corps était source de maladies…
Nous avons la possibilité de choisir nos priorités dans la vie même si nous devons ensuite les assumer.
Faut-il rappeler à tous ceux qui s’indignent du manque de moyens du secteur de la santé ainsi que des problèmes dans l’hôpital public qu’ils refusent de payer plus d’impôts et plus de cotisations sociales pour que ceux-ci aient les moyens de fonctionner normalement.
Faut-il leur rappeler qu’il doit y avoir une vraie réflexion qu’aucun pays au monde n’a voulu avoir jusqu’à présent, celle de savoir ce que nous sommes prêts à dépenser collectivement pour notre santé: 15% du PIB, 20%, 30%, 50%?
Et en sacrifiant quelles autres dépenses?
Si chacun de nous est prêt à dépenser jusqu’à son dernier centime pour demeurer en vie ou pour sauver ses proches de la mort, il n’est pas prêt à le faire pour son voisin ou celui qu’il ne connait pas, nous devons avoir l’honnêteté de le reconnaître.
C’est d’ailleurs pour cela que les gouvernants adoptent des mesures d’économie pour le secteur de la santé et non par un plaisir pervers de faire mourir les gens.
Car si nous voulons que le monde d’après soit autre chose que le monde d’avant, nous devons d’abord nous regarder en face sans complaisance puis agir avec la détermination nécessaire tout en n’oubliant jamais l’essence même de notre existence.
Voilà qui est nettement plus ardu que les appels qui se multiplient actuellement pour que tout change et que nous aurons tôt fait d‘oublier à la terrasse des cafés, dans les centre commerciaux ou sur les plages après le confinement.

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