samedi 15 mai 2021

Vues du Centre. Présidentielle: 2022 ne doit pas être le «2016 français»

Par Aris de Hesselin & Alexandre Vatimbella

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.          
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC.

Trump et Le Pen

Ceux qui ont suivi de près l’élection présidentielle américaine de 2016 se rappellent comment dans un improbable chaos démocratique un populiste amoureux des autocrates et dictateurs de la planète, menteur et corrompu, a pu se faire élire président de la plus vieille démocratie du monde face à une candidate qui avait, a contrario, toutes les qualités pour gouverner le pays.

Le duel Trump-Clinton de 2016 s’est déjà joué de manière plus adoucie en France lors de la présidentielle 2017 entre la populiste d’extrême-droite et admiratrice de Trump, Marine Le Pen, et le représentant de l’axe central et défenseurs de la démocratie, Emmanuel Macron avec une victoire de ce dernier.

En 2022, nous risquons d’assister à un remake mais, cette fois-ci, dans une confusion qui se rapproche du chaos américain de 2016 où la Gauche et la Droite ont perdu leurs repères comme ce fut la cas aux Etats-Unis où une coalition improbable de radicaux de gauche et de droite se liguèrent pour faire perdre Hillary Clinton.

Tous les sondages réalisés lors de la présidentielle étasunienne de 2016 montre que les Américains n’étaient pas dupes majoritairement de qui était Trump et de son incapacité à gouverner, de sa crapulerie, mais ils l’ont élu.

En France, une majorité de Français sait exactement la même chose à propos de Marine Le Pen mais elle a tout de même une chance d’être élue.

Quatre ans après l’onde de choc de la victoire de Trump, les électeurs américains se sont ressaisis en le chassant du pouvoir en donnant à son adversaire centriste, Joe Biden, le plus de voix qu’aucun candidat n’ait jamais obtenu et une avance de huit millions de voix.

L’exemple américain devrait nous garder d’un tel scénario en faisant en sorte d’éviter un ressaisissement, c’est-à-dire en faisant en sorte que Marine Le Pen ou un personnage de son acabit s’installe un jour à l’Elysée pour ensuite le mettre dehors.

Mais cela demande de la clairvoyance, de la lucidité, de la responsabilité de la part des acteurs qui font l’élection, c’est-à-dire les politiques, les journalistes, les politologues et politistes ainsi que, évidemment, les citoyens qui glisseront leurs bulletins de vote dans les urnes.

2022 ne doit pas être le 2016 français.

Et ce, quel que soit le candidat démocrate qui sera face à Marine Le Pen.

Nous ne pouvons nous payer le luxe de tester l’extrême-droite populiste pendant cinq ans au risque de détruire notre démocratie républicaine ou de l’endommager d’une manière qui prendra des années, voire des décennies, pour la réparer.

La tâche prométhéenne à laquelle s’est attaquée Biden montre toute la difficulté devant laquelle nous nous trouverons.

Parce que Trump, malheureusement, n’est pas une parenthèse mais le symptôme d’une radicalisation haineuse d’une partie de la population et du désenchantement d’une autre partie pour la démocratie.

Les premiers sont les fameux «déplorables» justement baptisés tels par Hillary Clinton – et que nous devons combattre inlassablement – quand les seconds sont des personnes prises dans un monde où le relativisme semble plus fort que les valeurs humanistes, où les peurs et les angoisses prennent le pas sur l’espérance et le respect de la dignité de chacun.

Sans doute que la planète n’est pas et ne sera jamais un paradis, que nous devrons toujours nous battre pour vivre mieux ensemble dans un cadre de liberté, d’égalité et de fraternité et que les envies de renoncement face à un tel défi continueront à ponctuer nos existences.

Reste que vouloir le pire en espérant qu’il soit un choc salutaire ou parce que l’on croit tout simplement qu’un régime autoritaire ou totalitaire est plus à même d’apporter le bonheur sur terre, sont des mirages que nous paierons cash avec une fragilisation, voire tout simplement, une disparition, de la démocratie.

La tentative de coup d’Etat du 6 janvier dernier aux Etats-Unis où des factieux ont tenté de prendre d’assaut le Capitole où se trouve le pouvoir législatif afin de donner à Trump le pouvoir contre la démocratie ainsi que toutes les manœuvres qui continuent pour affaiblir cette dernière de l’autre côté de l’Atlantique, nous montrent qu’il ne faut pas jouer avec le feu, non pas pour se brûler les doigts mais pour provoquer un énorme incendie qui risque de réduire en cendres notre liberté, notre égalité et notre fraternité.

Francis Fukuyama expliquait, dans sa thèse controversé et largement incomprise, non pas que nous étions à la fin de l’Histoire mais que la démocratie libérale représentait le régime politique qui marquait une fin de l’Histoire dans le sens où il était celui qui correspondait le mieux à ce que souhaitaient les humains et qui avait les meilleures qualités pour les gouverner en obtenant les meilleurs résultats.

Sans doute avait-il un optimisme trop grand ou puéril sur le fait que les populations du monde entier avaient définitivement embrassé un tel système qui leur garantissait une reconnaissance et une dignité que tous les régimes autocratiques et totalitaires leur refusent et leur refuseront toujours.

Il sous-estimait également la capacité des attaques des populistes et des extrémistes contre la démocratie et surestimait la force de cette dernière alors même que nous savons qu’elle est extrêmement fragile parce qu’elle s’appuie sur des valeurs, des principes et des règles qui structurent une société ouverte, c’est-à-dire une société où la liberté de chacun est protégée par son acceptation par les autres alors que la société fermée des autocrates et des dictateurs s’appuient sur la force d’un appareil répressif qui instaure une violence pour dénier cette liberté individuelle.

Ainsi, en 2022, grâce à la liberté de vote, la France peut très bien mettre une ennemie de la démocratie au pouvoir alors que la Russie de Poutine fera en sorte qu’un ami de la liberté n’y parvienne jamais.

Et rappelons-nous que Trump est un admirateur de Poutine, tout comme l’est Marine Le Pen et ses sbires.

Alors nous devons faire en sorte de ne pas nous réveiller au printemps 2022 avec une clone trumpienne pour présidente.

D’autant que nous n’aurons même pas l’excuse du «je ne savais pas» que certains électeurs de Trump ont pu utiliser.

Oui, nous savons et chaque électeur de Le Pen ainsi que chaque abstentionniste ou électeur qui votera blanc au second tour, ne pourra s’abriter derrière cette dérobade.

 

Aris de Hesselin & Alexandre Vatimbella

 

 

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