mardi 8 septembre 2020

Vues du Centre. L’effroi et la consternation, ce n’est pas Trump mais ceux qui le servent et le suivent

Par Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella         


Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.           
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC. 


Trump n’existerait pas politiquement s’il n’y avait personne pour voter pour lui, personne pour vouloir travailler pour lui, personne pour le soutenir.

C’est une évidence que l’on oublie trop souvent de mentionner parce que cela pose des questions bien plus cruciales que celle d’un clown malfaisant, égocentrique et acculturé.

S’il est bien un personnage odieux, inquiétant et dangereux, il n’existe que parce qu’il a des électeurs, des suiveurs et des soutiens et, auparavant des téléspectateurs de ces émissions de téléréalité de pacotille.

Dans les sondages, il y a un chiffre abracadabrantesque et lunaire: plus de 40% des Américains qui disent encore vouloir voter pour lui le 3 novembre prochain malgré le bilan catastrophique de sa présidence.

De même, une majorité du Parti républicain continue à le soutenir envers et contre tout pendant qu’il n’a aucun mal à trouver des gens de peu de conviction pour servir dans son administration.

Oui, c’est cette réalité qui est effrayante et consternante parce qu’elle en dit nettement plus sur l’état des Etats-Unis, de la société américaine et, plus encore, sur celui de la démocratie républicaine dans le pays mais aussi dans le monde entier en ce XXI° siècle.

Or donc, quatre Américains sur dix partagent sa haine, ses insultes, ses mensonges, son incompétence, sa vulgarité, son racisme, son sexisme, sa corruption, etc. ou, pire encore, ferment les yeux et se bouchent les oreilles tout en votant pour lui.

D’ailleurs Trump est d’abord et avant tout une créature de ces Américains qui viennent du mouvement populiste et extrémiste du Tea Party, de cette Amérique réactionnaire qui n’a pas accepté qu’un noir devienne président (comme le disait une électrice du parti républicain en 2008 à propos d’Obama, «les noirs comme les femmes, ça ne doit pas faire de politique»), qui regardent en boucle la chaine d’information Fox news qui multiplient les fake news et caresse nos plus bas instincts, de ces pasteurs évangélistes qui se remplissent les poches dans leur méga-églises avec des discours d’un autre âge de ces canailles adeptes de la suprémacie blanche et membres de milices armées sans oublier cette Amérique qui refuse la science et qui ne croit, ni au réchauffement climatique, ni que la Terre est ronde et que les vaccins empoisonnent…

Oui, Trump est bien un produit de tout cela, de ces Américains qu’Hillary Clinton avait raison de qualifier de pitoyables et d’affligeants en 2016.

Et oui, c’est bien cette réalité qui est effrayante et consternante quelle que soit la manière dont on veut l’aborder, la relativiser ou l’expliquer.

Et l’on se rappelle qu’il y a une majorité d’électeurs qui ont élu messieurs Erdogan en Turquie, Orban en Hongrie, Duterte aux Philippines et, bien sûr, Poutine en Russie, liste non-limitative.

Et qu’il y a des pourcentages atterrant d’électeurs qui votent pour Le Pen en France ou Salvini en Italie, deux exemples parmi tant d’autres.

Sans oublier le soutien populaire des Hitler, Mussolini, Staline, Mao et autres despotes sanguinaires en leur temps.

Mais, là, on parle des Etats-Unis d’Amérique, le pays qui soi-disant porte l’étendard de la liberté, donc de la démocratie.

Et, là, on se prend à réfléchir sur ce pays qui n’en finit pas de se débattre avec ses démons que sont, entre autres, le racisme que la Guerre de sécession n’a absolument pas éradiquer, la loi du plus fort et du «struggle for life» du darwinisme social qui n’ont jamais vraiment cesser depuis l’époque des« robber barons» (barons voleurs) du «gilded age» (âge d’or), ces capitalistes milliardaires tels Ford, Canergie ou Morgan, qui sont apparus au cours du XIX° siècle et qui ont exploité les travailleurs de manière éhontée, et une violence récurrente qui gangrène une grande partie de la société.

Mais l’on est obligé de réfléchir également à ce système démocratique sensé produire un citoyen éclairé et responsable, respectueux de l’autre et tolérant qui était l’objectif de ses promoteurs aux XVIII° et XIX° siècles et dont les objectifs semblent de plus en en plus inatteignables dans une régression historique, si tant est que l’Histoire à un sens.

On veut encore espérer que Trump sera avant tout un accident de cette même Histoire dans une volonté de croire que la démocratie républicaine a un avenir que nombre de faits de ce troisième millénaire naissant semblent démentir.

Une chose est sûre: une réélection de Trump serait la démonstration que cette démocratie républicaine est en danger de mort, non pas parce que le populiste démagogue rempilerait pour quatre ans mais bien parce que le «peuple» américain aurait à nouveau porté à sa tête un tel personnage.

Quoi qu’il arrive l’épisode Trump sera, comme d’autres, un rappel sévère sur ce qu’il reste encore à faire pour qu’enfin la démocratie républicaine devienne un régime mature, c'est-à-dire que sa légitimité ne puisse être remise en cause par ceux qui en profitent et que sa plénitude puisse s’épanouir dans ses valeurs humanistes.

 

Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella

 

 

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