mercredi 6 juillet 2011

Vues du Centre. Plaidoyer pour une relance de la décentralisation


Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.

L’auteur de ce texte est Didier Jean, militant centriste

Depuis 30 ans, tout particulièrement sous l’impulsion des collectivités territoriales, la France s’est formidablement modernisée et équipée. L’acte I de la décentralisation, porté par la loi du 2 mars 1982 «relative aux droits et libertés des communes, départements et régions», puis son acte II constitué par la loi constitutionnelle de 2003 et les lois organiques de 2003-2004, ont fortement contribué au renforcement de la cohésion sociale et territoriale de notre pays et ont activement participé à l’affirmation d’une «République des proximités» dixit Jean-Pierre Raffarin.
Face à un Etat impécunieux et surendetté, les collectivités territoriales sont devenues les «fers de lance» du développement de notre pays. Elles se sont imposées comme des pièces maîtresses dans l’architecture administrative et des acteurs incontournables sur la scène politique nationale.
Gérant des budgets de plus en plus importants et assumant une large part des investissements publics réalisés en France, les collectivités territoriales accompagnent et régissent aujourd’hui des pans entiers de la vie de nos concitoyens.
Pour autant, la décentralisation n’est pas exempte de critiques. L’organisation territoriale française se caractérise par un millefeuille institutionnel illisible et coûteux. Il devient aujourd’hui de plus en plus difficile de savoir avec précision qui fait quoi, qui paie quoi, qui est responsable de quoi.
La superposition des autorités locales, l’émiettement des compétences, l’éclatement des responsabilités, l’enchevêtrement des financements, l’opacité des circuits de décision engendrent chez nos concitoyens incompréhension et doute, voire scepticisme et méfiance.
Suspectée d’être la source de gabegies, dénoncée comme le creuset de stratégie locales de développement incohérentes et inefficaces car concurrentes, et accusée de favoriser l’installation et le maintien de «baronnies» locales (aujourd’hui très souvent en opposition avec la majorité présidentielle), la décentralisation est ouvertement décriée et remise en cause par les tenants de la tradition jacobine française.
En transférant aux collectivités locales un nombre croissant de compétences sans les doter des ressources financières nécessaires à la prise en charge de ces missions, l’Etat a porté ces dernières années un premier coup à ce mouvement de décentralisation.
La loi du 16 décembre 2010 relative à la «réforme des collectivités territoriales», qu’annonçait le discours de Toulon du 25 septembre 2008 dans lequel Nicolas Sarkozy exprimait sa volonté d’ouvrir «le grand chantier de la réforme des administrations locales», avec l’ambition de réduire et simplifier les structures territoriales, de préciser les compétences et de clarifier les financements, a marqué un nouveau coup d’arrêt à cette dynamique d’émancipation et de responsabilisation des territoires.
Cette loi institue les conseillers territoriaux, élus dans le cadre de cantons redécoupés et appelés à remplacer en 2014 les actuels conseillers régionaux et généraux, supprime la clause générale de compétence, mais en l’assortissant de nombreuses exceptions et en renvoyant sa mise en œuvre à 2015, impose le rattachement (le cas échéant sous l’autorité du préfet) à compter de 1er juin 2013 de toutes les communes à un établissement public de coopération intercommunale, crée les «communes nouvelles» issues de la fusion de plusieurs communes, établit de nouvelles catégories de structures intercommunales (les métropoles et pôles métropolitains) et autorise le regroupement des départements et régions.
Loin de répondre aux objectifs initialement fixés, de conduire à de substantielles économies et de permettre l’indispensable clarification et rationalisation des structures et compétences territoriales, cette réforme de 2010 ajoute de la complexité et génère de nouvelles confusions: la création du conseiller territorial substitue à la logique régionale une approche cantonale de l’action publique locale et institutionnalise de fait le cumul des mandats; les autorités préfectorales bénéficient d’un renforcement de leurs pouvoirs, notamment dans le façonnage de la carte intercommunale, tandis que les capacités d’intervention des collectivités territoriales se trouvent entravées; l’abandon d’une dose de proportionnelle initialement prévue dans le projet de loi et l’adoption d’un seuil de 12,5% des inscrits pour se maintenir au second tour des élections territoriales (contre 10% aujourd’hui pour les élections cantonales) apparaissent comme autant de freins à l’exercice d’une véritable démocratie locale.
L’acte III de la décentralisation reste à accomplir et doit être l’une des ambitions du projet politique des Centristes. Il devra s’attacher à simplifier et à clarifier l’organisation territoriale de notre pays, en veillant tout particulièrement à:
- réduire et spécialiser les différents niveaux de collectivités territoriales, à commencer par le regroupement des trop nombreuses communes en intercommunalités aux compétences étendues (et fusionnées pour les plus importantes d’entre elles avec les départements?). L’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct apparaît dès lors comme une perspective incontournable. La spécialisation des régions sur des missions stratégiques de développement économique et d’aménagement du territoire, et des départements sur l’accompagnement social de la population serait réaffirmée
- accroître les capacités d’action des collectivités territoriales (par la reconnaissance, par exemple, d’un pouvoir normatif et réglementaire aux régions) et assurer leur autonomie financière, par une réforme de la fiscalité locale et la maîtrise par les collectivités de leurs ressources afin de compenser la diminution des dotations de l’Etat
- garantir l’effectivité et le dynamisme de la démocratie locale, par l’élaboration d’un véritable statut de l’élu local, une stricte limitation du cumul des mandats et la promotion d’une nouvelle gouvernance des territoires, portée par des élus locaux à la légitimité et aux missions accrues (suppression du conseiller territorial établi par la loi du 16 décembre 2010). La possibilité et les conditions d’une reconnaissance du droit de vote des ressortissants non communautaires aux élections locales pourraient, dans ce cadre, être étudiées
- renforcer la solidarité entre territoires, par une péréquation financière consolidée et la généralisation de contrats de développement local entre zones urbaines et entre territoires urbains et ruraux
- améliorer l’efficacité et la cohérence des services publics locaux, par l’instauration de conférences exécutives territoriales rassemblant les représentants des différentes collectivités d’un même territoire, une mutualisation accrue de équipements publics locaux (sportifs, culturels, éducatifs, touristiques….), un renforcement des contrôles et du pouvoir d’injonction des Chambres régionales des comptes et la systématisation d’une évaluation publique (extérieure) de l’action et de la gestion des collectivités territoriales.
Il ne doit pas s’agir, par cet acte III de la décentralisation, de poser les collectivités territoriales en «concurrentes» de l’Etat et de ses services déconcentrés mais de forger le cadre d’une nouvelle relation entre ces collectivités et l’Etat, axée sur un véritable partenariat et le renforcement d’une démarche contractuelle fondée sur l’identification d’objectifs et de priorités de développement local partagés.

Didier Jean

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