lundi 11 juin 2012

Vues du Centre - La Chronique de Jacques Rollet. Les leçons du premier tour des législatives

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jacques Rollet, chroniqueur sur Le Centrisme, est politologue et auteur de plusieurs livres dont «Tocqueville» (Montchrestien 1998), «Religion et politique» (Grasset 2001), «La tentation relativiste» (DDB, 2004). En février 2012, il a publié «Le libéralisme et ses ennemis» (DDB).

Au lendemain de ce premier tour des élections législatives, il est possible de tirer quelques leçons du comportement électoral des Français. Trois données nous semblent essentielles: les deux premières relèvent du constat, la troisième, de la proposition. Le constat: l’abstention est considérable, l’UMP a tué le Centre. La proposition: il faudra établir une nouvelle constitution.
I - L’abstention est considérable
Avec 42,9 % d’électeurs qui ne sont pas allés voter ce 10 juin, nous atteignons un record sous la V° République pour des législatives. Cela pose plusieurs problèmes: la légitimité des élus est en cause sur le fond même si elle ne l’est pas sur la forme. Quand presque un électeur sur deux ne se déplace pas, cela veut dire qu’il se désintéresse de l’élection ou qu’il considère qu’il s’est déjà prononcé lors des présidentielles. En tout état de cause, ce comportement affaiblit le parlement et donc la démocratie représentative. Il faut que les élections législatives redeviennent un enjeu distinct de la présidentielle.
II - L’UMP a tué le Centre
La formule peut sembler audacieuse. Je la pense vraie même s’il est évident que les centristes ont collaboré à leur propre disparition. La volonté d’hégémonie déployée par le RPR a fait que le projet de faire un grand parti de Droite n’a pas laissé place à l’intérieur même de l’UMP, aux centristes. Le bonapartisme qui est au cœur du gaullisme, l’a emporté même si le lien de l’UMP avec le général de gaulle est devenu fort ténu. Le Centre ne pouvait pas exister dans ces conditions. Il faut évidemment ajouter que, dans le même temps, François Bayrou a affaibli l’UDF si l’on se rappelle qu’il avait plus de cent députés quand il en est devenu président. Sans oublier son vote en faveur de François Hollande dont il a expliqué, au soir du premier tour des législatives et pour expliquer son échec, que nombre de ses électeurs n’avaient pas apprécié ce ralliement largement approuvé, en revanche, par ses proches conseillers comme madame de Sarnez, monsieur Rochefort ou monsieur Bennahmias. Nous avons dans des chroniques précédentes fait des propositions pour un fondement théorique du Centre. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
III - Pour une nouvelle constitution
Nous reprenons ici ce que nous avons déjà dit: la dualité président de la République- premier ministre n’a plus lieu d’être. Le premier ministre met en œuvre le programme du président. Il serait plus simple que le président soit, comme aux Etats-Unis, son propre premier ministre. Cela implique la suppression des articles 8 et 12 de la Constitution actuelle, l’article 12 portant sur la dissolution de l’Assemblée nationale. Le président aurait devant lui une assemblée qu’il ne pourrait pas dissoudre. La conclusion logique de notre proposition est l’élection des députés au scrutin proportionnel qui a le mérite de rendre compte des faveurs que les partis obtiennent auprès des électeurs. Une politique du Centre aurait plus de chances de se mettre en place dans une telle configuration puisqu’il serait possible de mener les réformes dans la durée en évitant les propositions extrêmes et les partis du même nom. Cela suppose une révision déchirante pour tous ceux qui aspirent à la révolution ou pour ceux qui ,comme les socialistes, n’ont pas encore compris qu’il y avait une crise économique et financière grave, sans parler de la crise morale qu’illustre l’existence du libéralisme culturel contre lequel le Centre n’a pas réagi.
Jacques Rollet