samedi 16 mai 2020

Vues du Centre. Réformer profondément le système de santé dans l’émotion et pour éviter l’instrumentalisation des populistes, est-ce bien nécessaire?


Par Aris de Hesselin & Alexandre Vatimbella

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC.

Les personnels médicaux peuvent être satisfaits: une grande réforme du système de santé va être mis en place le plus rapidement possible et elle sera radical comme vient de l’annoncer Emmanuel Macron.
«Il faut qu’on trouve d’autres modes de régulation, qui partent du bas et du soin, et plus d’une logique budgétaire mais d’une logique sanitaire», a-t-il ainsi déclaré.
Evidemment, le covid19 y est bien pour quelque chose ainsi que la crainte que les revendications des professionnels de la santé soient désormais encore plus massivement soutenus par une population reconnaissante de leur implication dans l’épidémie et l’inquiétude qu’elle soit récupérée et instrumentalisée par les populistes démagogues qui rêvent d’une insurrection et d’une convergence des luttes comme on a pu entendre le dire certains personnages qui furent au cœur du mouvement de déstabilisation de la démocratie et de la république lors du mouvement de foule des gilets jaunes.
En passant, disons que surfer sur un virus qui a fait des centaines de milliers de morts et continue à tuer, voilà qui en dit long sur la noirceur et la saleté de ces énergumènes qui se rassemblent tous les samedis.
Mais il faut y ajouter la réelle prise de conscience que ce système de santé avait des carences et, surtout, une réaction émotive à la crise sanitaire que nous sommes toujours en train de vivre, certes avec moins d’intensité mais qui pourrait revenir à plus ou moins court terme.
Pour autant, fallait-il annoncer que l’on va tout chambouler, que l’on va faire le contraire de ce que l’on a fait jusqu’à présent et que l’on va accéder à toutes les demandes des personnels de santé même les plus corporatistes?
Voilà qui n’est guère rassurant pour la pérennité d’un système de soins qui, certes, nécessite des réformes suite aux carences constatées lors de cette épidémie mais qui nécessite tout autant qu’on continue à le structurer pour mettre fin aux dérives du passé et éviter celles de l’avenir.
Car de quoi on parle?
La santé en France possède des atouts indéniables qui ont montré leur force ces dernières semaines et rien ne dit, pour l’instant, qu’il a failli plus que d’autres, comme celui de l’Allemagne par exemple, qui serait bien plus efficace selon une campagne médiatique récurrente.
Or, cela n’était pas le cas avant l’arrivée du covid19 et la crise que le virus a suscitée est trop atypique pour que l’on puisse en tirer des conclusions trop hâtives.
Certes, certaines décisions prises ces dernières décennies ont montré leurs limites avec parfois la nécessité de les annuler ou de les adapter.
On pense notamment au numerus clausus qui avait un sens il y a trente ans afin de limiter un nombre de médecins qui augmentait de manière exponentielle mais qui est un frein, aujourd’hui, à un renouvellement du corps médical.
En revanche, les efforts de rationalisation des soins notamment par l’évaluation des pratiques médicales ne doit pas faire les frais de l’émotion suscitée par l’épidémie actuelle.
On rappelle que pendant très longtemps les médecins ont refusé que l’on évalue leur art, affirmant qu’ils ne pouvaient être jugés sur les traitements qu’ils donnaient à leurs patients.
Ce qui permettait à nombre d’entre eux, non seulement, de dépenser sans compter, mais aussi de prescrire des médicaments et des soins dont on s’est aperçu au fil du temps qu’ils n’avaient aucun effet thérapeutique avéré.
En outre, il ne faut pas oublier que l’on a du attendre la deuxième décennie du XXI° siècle pour dérembourser l’homéopathie que l’on savait scientifiquement inefficace depuis plus de 30 ans!
Et que l’on continue à rembourser les cures thermales qui n’ont jamais prouvé leur utilité en tant que médicament…
Ces deux exemples caricaturaux sont loin d’être les seuls résultats positifs de l’évaluation.
La mise en place de protocoles d’évaluation et de vérification des effets thérapeutiques a été un bienfait qu’il ne faut surtout pas abandonner.
De même, la fermeture de lits ou la réorientation de certains d’entre eux ont été des mesures pertinentes même si elles ont fait enrager les équipes médicales qui les perdaient.
La production de médicaments génériques, dont on rappelle au passage que nombre de médecins l’ont critiquée, a permis des économies substantielles qui ont permis elles-mêmes de financer des secteurs et des recherches dédiées à certaines pathologies qui le nécessitaient.
Il ne faut donc surtout pas crier haro sur une gestion plus rigoureuse du système de soins car il en va de sa survie.
Vouloir donc réduire la rationalisation et l’évaluation des soins à une simple mesure comptable comme ont tenté de le faire depuis leur mise en œuvre des lobbys médicaux, est une hérésie, à la fois, parce qu’elles ont permis d’avoir de meilleures pratiques médicales, donc de meilleurs résultats pour les patients, et parce que cela a permis de dépenser l’argent des contribuables et des assurés sociaux plus efficacement.
Revenir en arrière, guidé par l’affect, sous pression de l’émoi naturel suscité par le covid19, serait une erreur politique que nous paierions certainement un jour ou l’autre.
Alors, oui, une réforme d’ajustement est sûrement nécessaire pour prendre en compte tout ce qu’a révélé la crise épidémique que nous vivons.
Non, tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant n’était pas une erreur comme semble le suggérer Emmanuel Macron.

Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella


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