mercredi 1 juillet 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Des populistes, ces ventriloques d’une mystification


Non seulement les populistes s’arrogent le droit de parler pour le peuple – surtout à la place du peuple dont ces mauvais ventriloques prétendent êtres les «vrais» représentants – mais ce fameux «peuple» n’est qu’une mystification d’une entité introuvable qui permet de faire accroire que l’on peut résumer les individus en les enfermant dans une entité globalisante, donc à tentation totalitaire, et de faire éclore une volonté et un intérêt général, deux supercheries, deux concepts largement  liberticides.
D’autant plus que si je ne pense pas comme ce «peuple» dont ils ont inventé eux-mêmes l’identité, je serais donc un mauvais citoyen.
Ou une sorte d’élitiste voué aux gémonies et dénoncé comme tel à la vindicte populaire comme au plus beau temps de délateurs qui aurait l’outrecuidance de se penser au-dessus de cette masse qui, en démocratie, est sensée détenir la légitimité et, plus encore, la vérité, les grands mots sont lâchés.
C'est-à-dire, selon leurs critères, toujours un mauvais citoyen.
Admettons que la réunion de tous les individus dans ce Léviathan qu’est l’appellation peuple est une facilité qui permet de rapprocher des volontés et des intérêts individuels afin de pouvoir affirmer l’existence d’une communauté unie dans son destin, donc de pouvoir organiser et structurer une collectivité composée d’individus qui vivent ensemble et partagent ainsi un certain nombre de choses comme, par exemple, un territoire, un appareil étatique ou des références culturelles communes.
Mais si le langage mathématique nous permet de dire qu’un citoyen égale un autre citoyen dans ses droits et ses devoirs, donc de trouver ce liant entre individus vivant dans cette communauté et constituant ce collectif, en revanche, un individu n’égale jamais un autre individu dans son individualité et sa différence.
Dans le premier cas 1=1 alors que dans l’autre 1≠1.
Plus, dans le premier cas l’équation 1+1=2 est possible alors que dans le deuxième cas, 1+1=1 et 1.
Dans le premier cas, on peut additionner alors que dans le deuxième cas on ne peut, au plus, qu’associer.
Et cela fait une énorme différence notamment pour le sujet qui nous intéresse.
La démocratie républicaine est ainsi un régime où les individus s’additionnent en termes de droits et de devoirs mais jamais en termes de volonté et d’intérêt.
Ce qui ne veut pas dire que l’on ne peut gouverner la population d’une telle entité mais que celle-ci ne représente jamais un peuple unifié mais peut être des associations d’individus qui recherchent les mêmes objectifs, qui partagent des biens communs (territoire, services publics, langue, etc.), surtout reconnaissent la nécessité d’organiser une sécurité commune face aux menaces internes et externes à la communauté à laquelle ils sont membres, pas seulement en termes de violences physiques mais aussi psychologiques, économiques et sociales.
Bien entendu, dans des entités aussi complexes que nos pays, la délégation de volonté s’organise par l’élection de représentants parce qu’il ne peut en être autrement comme du s’y résoudre à contrecœur Rousseau dont le modèle de démocratie directe était inapplicable.
Mais l’élection, aussi importante soit-elle, ne peut, à elle seule, prétendre globaliser les intérêts d’individus différents.
C’est ici que la liberté et la protection de la minorité jouent un rôle crucial parce qu’elles assurent à ceux qui n’auraient pas choisi comme la majorité qu’ils bénéficieront des mêmes droits et de la même protection que celle-ci.
Et le «peuple» fantasmé des populistes n’a aucune légitimité démocratique à s’attaquer à cette liberté et à cette protection.
Le peuple est donc une idée despotique et oppressive, là où celle d’individus associés doit être le fondement de la démocratie républicaine.
C’est pourquoi tous les populistes dans leur prétention à parler pour tous (voire pour le seul «vrai» peuple) sont toujours des personnages dangereux, et pour la démocratie, et pour la république, et pour les intérêts individuels, et pour le bien vivre ensemble.
Au lieu de rassembler, ils divisent en bon et mauvais citoyens et, dans une démagogie des plus exécrables, se proposent de réaliser les desideratas d’un peuple qui n’est souvent qu’une foule qui n’est même pas capable de savoir où est réellement ses intérêts et dont la volonté est souvent introuvable ce qui permet de la transformer en haine de l’autre, en violence aveugle et gratuite, en un irrespect de la dignité humaine.
Les populistes ne sont aucunement les défenseurs d’une démocratie soi-disant confisquée mais bien ses fossoyeurs.


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