jeudi 24 décembre 2020

L’année du Centrisme en France – Edition 2020. Le pouvoir centriste à l’épreuve de la covid19

Peut-être que 2020 est la pire année vécue par les générations qui n’ont pas connu vécu les guerres mondiales du XX° siècle (en gros celles dont l’âge va jusqu’à 75 ans) comme l’a mis sur sa couverture le magazine américain Time.

En tout cas, cette année demeurera comme une date pivot pour ce troisième millénaire et ce XXI° siècle, peut-être même dans l’Histoire tout court.

Tout à coup pour nous les gens ordinaires – mais guère surprenant pour les spécialistes des épidémies qui guettaient avec angoisse la prochaine crise sanitaire mondiale – un virus, plus spécifiquement un coronavirus appelé covid19, sorti on ne sait toujours pas d’où en Chine, est venu frappé de manière identique partout sur la planète (une première) l’Humanité entière puisqu’aucun continent, aucun pays, n’a été épargné.

Et nos certitudes que nous étions dans un monde où notre science et notre médecine étaient capables de maîtriser un tel phénomène se sont effondrées instantanément avec parfois de grands désarrois ouvrant la porte aux théories les plus complotistes.

Non pas – pour l’instant – que la covid19 soit particulièrement mortelle face à la peste, le choléra ou la grippe espagnole (en réalité américaine), mais nous pensions que nous étions à même de nous protéger efficacement contre un virus alors que ce dernier continue allègrement de se propager malgré toutes nos décisions, nos traitements médicaux et notre savoir, c’est-à-dire notre intelligence.

Sans doute avions-nous oublié que l’apparition du VIH dans les années 1980 nous avait mis dans une même crise de confiance en nos connaissances et de peur face à l’incompréhensible.

Sans doute avions-nous oublié que des virus particulièrement mortels, comme Ebola, rôdent et n’attendent qu’un concours de circonstance pour se transformer en large épidémie, Ebola ayant été contenu à certaines zones jusqu’à présent mais jusqu’à quand?

Oui, nous avions oublié notre fragilité dans un monde que nous croyons, à tort, plier à notre seule volonté et où notre capacité à trouver des solutions serait plus puissante que cet environnement contre lequel nous avons dû pourtant lutter sans cesse depuis notre apparition sur Terre mais que nous devons également protéger pour que nous ne disparaissions pas en tant qu’espèce.

Oui, nous faisons partie de la nature mais cette meilleure amie dont nous ne prenons pas assez soin est également une ennemie mortelle et il en sera toujours ainsi à moins de découvrir la pierre philosophale et l’équation du tout.

Du coup, partout, les populations ont vécu l’angoisse et, partout, les gouvernants se sont retrouvés désemparés face à une crise pour laquelle ils n’étaient pas préparés même si des plans d’urgence sanitaires pouvaient exister ici ou là.

Mais comment réagir de la bonne manière dès qu’une menace de cette sorte se fait brusquement jour lorsque l’on ne connait pas d’avance quel sera votre ennemi et qu’il faut un certain temps pour l’identifier?

Aujourd’hui, nous savons ce qu’est la covid19 et nous avons réussi le tour de force de mettre au point en des temps records des vaccins et à trouver des traitements qui ont ralenti le taux de mortalité.

Mais, comme le montre les mutations du virus dans certains pays comme la Grande Bretagne, nous ne savons pas si la covid19 ne sera pas, in fine, plus forte que nos efforts actuels, d’où cette angoisse qui continue malgré nos capacités à continuer à vivre vaille que vaille en période de confinement, de déconfinement et de reconfinement depuis maintenant une année si l’on prend comme point de départ les mesures prises la province du Wuhan par les autorités chinoises.

Dans ce contexte mais pas seulement, l’Histoire ne s’étant pas arrêté depuis l’apparition de la covid19 et n’ayant pas effacer les questions politiques, économiques, sociales et sociétales qui faisaient et continuent à faire notre quotidien, comment ont réagi les centriste français en cette année 2020?

Ni mieux, ni moins bien que les autres courants politiques, ni mieux, ni moins bien que les centristes des autres pays et, comme ils gouvernent le pays, ni mieux, ni moins bien que les autres gouvernements.

En réalité, l’ensemble des gouvernants de la planète sauf les exceptions des populistes démagogues (Trump, Erdogan, Bolsonaro, voire, dans un premier temps Boris Johnson) et des autocrates (style Poutine) ont pris des mesures pour lutter contre la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales.

Mais tous ont fait des erreurs plus que des fautes et/ou se sont trouvés démunis dans un premier temps de réponse efficace (comme l’absence de stocks de masques en France).

In fine, la France et ses gouvernants centristes ainsi que la majorité centrale qui les ont soutenus, ne s’en sont pas mal sortis.

Il faut dire que la présence forte de l’Etat et une protection sociale étendue et des administrations dédiées ayant une pratique longue et donc une efficacité certaine, ont permis d’amortir plus qu’ailleurs les conséquences de l’épidémie sur la population, son quotidien et les difficultés matérielles des moins riches.

 

► Emmanuel Macron: globalement centriste

Pour certains, il n’y a plus aucun doute, Emmanuel Macron est devenu un homme de droite, autant par conviction que par stratégie électorale pour la présidentielle de 2022 où, bien entendu, il se présentera.

Derrière cette analyse qui est souvent portée par des affirmations partisanes plutôt que par des constats réels, il y a quelques indices qui laisseraient penser que le positionnement central et le «en même temps» ne sont plus ce qui caractériserait la politique du président de la république actuel.

Comme s’en gargarise ses opposants de gauche et trouble ses opposants de droite, les références à Nicolas Sarkozy plutôt qu’à François Hollande, dont il fut pourtant le ministre, en serait une preuve.

Son hommage appuyé à Valéry Giscard d’Estaing lors de son récent décès où il s’est surtout focalisé sur les réformes libérales et le combat européen de son prédécesseur à l’Elysée montre toutefois que le virage à droite n’est pas aussi certain que certains le disent.

Les accusations d’autoritarisme et d’«illibéralité» portées par ses adversaires les plus déterminés sont évidemment à balayer parce qu’il n’existe aucune preuve concrète d’une restriction des libertés.

La comparaison qu’ils font avec le Hongrois Viktor Orban est même une honte.

Et ce n’est pas parce que l’on lutte contre les débordements d’une violence extrême des gilets jaunes ou des black blocs dans les manifestations que l’on devient un Poutine ou un Erdogan.

Ni même parce que l’on impose des restrictions aux déplacements lors d’une crise sanitaire comme celle que nous vivons à cause de la covid19.

De même, ce n’est pas parce que l’on défend la laïcité et que l’on prend des positions d’une grande fermeté face au terrorisme que l’on n’est plus un démocrate.

A l’inverse, certains dénoncent ses prises de position sur le racisme, sur les violences policières, sur les privilèges de l’homme blanc pour l’accuser de virer vers la gauche.

Quant à sa politique économique, ses détracteurs n’en finissent pas de faire le grand écart entre les critiques de sa politique keynésienne mise en place face à la crise et les dénonciations de ses réformes.

Reste que si l’on peut en conclure qu’Emmanuel Macron demeure central (mais un peu moins centriste dans sa glorification de l’Etat et de la Nation), ses prises de positon parfois contradictoires et paradoxales permettent toutes les attaques dont on vient de parler et floutent quelque peu sa pensée politique.

Néanmoins, on ne peut parler de changement de cap ou de retournement de veste d’autant qu’à chacune de ses interventions reviennent, au milieu de déclarations plus ambigües, les fondamentaux de la défense des valeurs humanistes et des principes démocratiques et républicains avec toujours le même crédo qu’il a martelé lors de la campagne présidentielle de 2017, permette à chacun d’avoir les opportunités réelles de réussir son projet de vie.

 

► Axe central: dernier lieu de la démocratie libérale?

Devant la radicalisation des extrêmes mais aussi d’une partie de la Gauche et de la Droite, l’axe central (qui va des réformateurs de droite aux libéraux de gauche en passant par les libéraux sociaux du Centre) devient, par la force des choses le dernier lieu de la défense de la démocratie libérale, le seul endroit où l’on ne transige pas avec ses valeurs, ses principes et ses règles.

On l’a vu en 2019 avec le mouvement de foule des gilets jaunes, on le voit en 2020 au moment des événements terroristes qui ont émaillé l’année et dans les débats culturels où seul l’axe central n’est pas dans le relativisme et une défense tiède de la liberté.

On l’a dit souvent ici que l’axe central, réunion plus ou moins forcée des défenseurs de la démocratie républicaine, sera pour les années à venir ce point de fixation où il n’y aura pas de concession et de recul par rapport à tous les ennemis de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

Reste à savoir ce qu’il en sera de sa force politique et électorale.

Une des réponses clés à cette interrogation essentielle pour le futur de la démocratie républicaine en France sera donnée en 2022 lors des élections présidentielle et législatives, soit dans un an et demi.

 

► LaREM: une fragilisation inscrite dans ses gènes

Les municipales ont été un moment difficile pour LaREM mais ce n’est pas l’essentiel de la fragilisation que le parti présidentiel a connu en 2020.

Non, ce sont plutôt les phénomènes génétiques qui ont montré tous ses points faibles avec une ligne peu claire sauf celle d’être toujours derrière le gouvernement et le président de la république ainsi que la défection d’un nombre important de ses élus partis ailleurs, souvent vers le MoDem ou dans la création de formations bancales.

Parce que si le parti demeure central et essentiellement centriste, il n’est pas inutile de rappeler que le recrutement de l’ossature de ses cadres et de ses élus s’est effectué en 2016 et 2017 dans une sorte de happening où beaucoup sont venus sans positionnement politique affirmé, voire avec de simples ambitions personnelles où l’opportunisme l’emportait sur les convictions.

Un tel état de fait ne pouvait que dériver vers la situation actuelle où, à part un noyau dur de macronistes, les paroles et les actes se télescopent et aboutissent à des clans à l’intérieur de la formation ou à des départs de personnes dont on s’aperçoit soudainement qu’ils n’ont jamais été dans la ligne politique définit par Emmanuel Macron!

Et il est à craindre pour LaREM que cette situation demeure identique jusqu’aux prochaines présidentielle et législatives où il faudra une remise en ordre si le parti veut avoir une chance d’être compétitif voire même de continuer à exister si Emmanuel Macron ne se représentait pas ou s’il était battu.

 

► MoDem: l’année faste

François Bayrou nommé Haut-commissaire au plan, cinq ministres et ministres délégués au gouvernement, un groupe à l’Assemblée nationale qui s’est étoffé à 54 soit un gain de huit députés supplémentaires depuis 2017, le Mouvement démocrate a connu une année faste.

D’autant que, dans le même temps, LaREM perdait la majorité absolue à l’Assemblée nationale ce qui, mécaniquement, donne plus de poids au MoDem.

On a d’ailleurs vu le parti présidentiel être beaucoup plus à l’écoute et aux petits soins du parti bayrouiste que précédemment…

Mais le problème est que ce faste qui a surpris même ses dirigeants et les a parfois embarrassés vis-à-vis de leur alliée et grande sœur LaREM, doit être fixé dans la durée et n’être pas qu’un feu d’artifice sans lendemain.

Et cela sera sans doute difficile parce que la force actuelle du MoDem n’est dû qu’à Emmanuel Macron et LaREM.

D’où un dilemme presque sans solution: soit demeurer au plus près de LaREM au risque de perdre son identité (et partager ses succès mais aussi ses échecs); soit s’émanciper et jouer de plus en plus sa partition au risque de s’éloigner de LaREM tout en étant incapable d’exister réellement indépendamment notamment en matière électorale.

D’où d’ailleurs les circonvolutions qui laissent parfois pantois des dirigeants du parti centriste dont celles de son chef, François Bayrou.

Reste que, en cette fin de 2020, s’il y a vraiment eu un gagnant sur la scène politique, c’est bien le MoDem (EELV, lui, a été le gagnant sur la scène électorale avec ses succès lors des municipales).

D’où, sans doute, une année 2021 pleine d’interrogations qui peut déboucher pour la formation centriste sur le meilleur mais aussi sur le moins bon.

 

► UDI: de plus en plus à droite, de moins en moins du Centre

En 2019, pour tenter de ne pas sombrer, l’UDI s’était rapprochée de Macron comme nous l’avions écrit dans notre analyse de l’année.

En 2020, pour tenter de ne pas sombrer, l’UDI s’est opposée à Macron!

Voilà donc une formation, comme nous le disons depuis plusieurs années, qui, sous la direction d’un fantasque et inconstant Jean-Christophe Lagarde, pour survivre, tente constamment de changer de ligne politique et faire des coups politiques qui n’ont pratiquement aucune résonance médiatique – ce qui provoque l’ire de ses dirigeants vis-à-vis de la presse qui ne ferait pas son travail en les ignorant superbement – dont on ne comprend pas exactement les motifs politiques mais dont on perçoit certainement les objectifs politiciens.

Or donc, en cette année 2020, les critiques de l’UDI vis-à-vis, rappelons-le, d’un pouvoir centriste et central, ont été souvent d’une virulence extrême et, surtout, sur des arguments – quand il y en avait – peu centristes.

Dès lors, la formation qui se prétend toujours de centre-droit s’est rapprochée constamment de la Droite.

Elle s’enorgueillit d’ailleurs de faire partie avec celle-ci de la majorité au Sénat, lieu de résistance de tous les instants à la majorité centriste en charge du pays dans une irresponsabilité totale puisque n’ayant pratiquement aucun réel pouvoir, ce qui lui permet des déclarations le plus souvent démagogiques et de remplir des pages de rapports pour stigmatiser le gouvernement en place, souvent avec l’aide de la gauche…

Une situation que semble apprécier l’UDI.

Depuis 2012, l’UDI a manqué tous ses rendez-vous avec l’Histoire et n’a dû sa survie qu’à des combinaisons électorales qui ne sont souvent pas à son honneur.

Pourtant, force est de reconnaître que ce cartel électoral, à défaut d’être un véritable parti politique, continue cahin-caha à exister même si les 2,5% obtenu lors des élections européennes de 2019 ont montré sa réelle force – et faiblesse – électorale puisque c’était la première fois depuis sa création qu’elle se présentait seule à un scrutin national.

On posera donc la question rituelle qui taraude tous les spécialistes de la politique: l’UDI passera-t-elle l’année qui vient?

Et nous prendrons bien soin de ne pas y répondre avec une affirmation péremptoire mais en disant que tous les possibles sont sur la table surtout qu’après 2021, il y a 2022 et ceux qui choisiront le bon camp pourront alors escompter des récompenses pour avoir fait le bon choix.

 

► Mouvement radical: éviter l’extinction du radicalisme

On a l’impression que le Mouvement radical, depuis le départ de son aile gauche juste après cette réunification de la famille radicale pour quelques mois, n’existe que pour empêcher le radicalisme de n’être plus qu’un objet d’étude d’histoire politique tellement celui-ci est dans une grande faiblesse, les élections municipales de 2020 l’ayant encore prouvé avec la défaite emblématique de son président, Laurent Hénart, dans la ville dont il était le maire et qui était jusque là une place forte du radicalisme, Nancy.

On aimerait bien pouvoir faire un bilan de l’action de ce parti mais son existence est plutôt – et malheureusement – fantomatique même si une prise de parole plus constante s’est faite jour en cette fin d’année.

Mais c’est trop peu pour une formation qui voudrait jouer un rôle national et retrouver son lustre d’antan.

Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC

 

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