mercredi 27 juin 2018

Une Semaine en Centrisme. Pourquoi Obama est-il silencieux sur Trump?

Barack Obama
«Où est Barack Obama?» (Where is Barack Obama?), titre le New York magazine et pourquoi ne s’oppose-t-il pas à Trump dont une des obsessions est de détruire toute son œuvre politique et législative de ses huit années de présidence?
Et de constater avec justesse que «l'Américain le plus populaire, dont l'héritage est la cible principale de Donald Trump, a, pour l'instant, pratiquement disparu de la vie publique».
Ainsi le journaliste Gabriel Debenedetti s’interroge dans son enquête fouillée pour le magazine, «Comment l'homme le plus omniprésent en Amérique pendant huit ans a-t-il pratiquement disparu? Au cours de sa présidence, Obama s'est présenté comme le guide laïc du pays autant que comme son commandant en chef, quelqu'un qui comprenait le cœur moral de la nation et insistait pour que nous nous en imprégnions. Qu'est-ce qui explique sa quasi-absence de la scène politique, où il pourrait plaider publiquement contre la destruction de toute son œuvre politique mais aussi de ce qu’est la vie américaine plus largement? Qu'est-ce qui l'empêche de parler plus souvent de la nécessité de protéger les normes démocratiques et la primauté du droit, d'être des gens décents? Où est l'homme qui a pleuré après Sandy Hook (ndlr: école primaire où des enfants ont été assassinés) et a chanté à Charleston (ndlr: où des paroissiens noirs ont été assassinés dans leur église), qui après chaque meurtre de masse a essayé d'apaiser une nation outragée, qui a parlé des valeurs américaines dans ses voyages à travers le monde? Et, tactiquement, qu'y a-t-il derrière le silence relatif de l'une des figures les plus populaires, alors que la politique américaine semble être au bord de la rupture?»
Et il est vrai que si le 44° président des Etats-Unis se montre de temps en temps, il n’est pas redescendu dans l’arène politique et ne prévoit pas de le faire sauf exceptions.
Tout cela ressort à la fois de sa personnalité, de son engagement centriste et, paradoxalement, de la situation politique du pays, en particulier la présence de Donald Trump à la Maison blanche et des dangers qu’elle recèle pour la démocratie étasunienne.
Pour Gabriel Debenedetti, «La réticence d'Obama est plus qu'une simple question de stratégie de communication. Il a surtout choisi de ne pas participer au cycle de l’indignation de l'Amérique libérale à propos de Trump. Bien qu'il lise le New York Times et d'autres journaux, il ne suit pas les tweets quotidiens de Trump et ne regarde pas les nouvelles télévisées. Il est énervé par les agissements de l'administration et confie à ses amis que ce qui l'inquiète le plus, c'est l'ordre international, la fonction de président, l'érosion des normes démocratiques et les luttes de gens qui ne sont soudainement plus sûrs de leur statut en matière d’immigration ou de l'avenir de leur couverture santé. Pour autant, dans les conversations avec ses amis politiques, Obama insiste sur le fait que le désordre d'aujourd'hui n’est qu’un épiphénomène sur le long arc de l'Histoire et soutient que son propre travail doit se focaliser sur le progrès pour le futur(…).»
Et de rappeler:
«Depuis le choc de l’élection (de Trump), il a résisté à la condamnation directe de son successeur». Dès la victoire du populiste, «il discutait avec de hauts responsables de son Administration sur ce que cela signifiait que le pays ait choisi Trump, hésitant entre le fait que cette élection était un bizarrerie accidentelle et qu’elle soit un rejet de sa propre vision de l'Amérique. Dans les mois qui ont suivi l'investiture, Obama a publiquement fait référence au nouveau président avec parcimonie – mais plus qu’il ne l’aurait voulu. Il a publié des déclarations prudentes défendant la loi sur l’assurance santé et soutenant l'accord de Paris sur le changement climatique, tout en évitant de mentionner Trump par son nom et laissant largement la résistance à celui-ci parler de elle-même.»
Ainsi, «dans des conversations privées, Obama mentionne rarement ou pas du tout Trump».
Selon Jim Messina, son ancien conseiller et directeur de sa campagne lors de la présidentielle de 2012 «la chose importante à considérer avec Obama dans le contexte actuel de la politique est quels sont ses objectifs généraux. Le premier objectif d'Obama est d'adhérer au précédent créé par George W. Bush, le laissant seul et respectant le transfert pacifique du pouvoir. La seconde consiste à soutenir l’engagement politique d’une jeune génération de dirigeants».
Surtout, il ne veut pas d’un affrontement frontal avec Trump afin que ce dernier ne l’instrumentalise et ne le récupère à son profit alors qu’Obama n’a plus d’avenir politique précis et que cela pourrait avoir des répercussions négatives sur le Parti démocrate, ses dirigeants et la nouvelle génération qu’il veut promouvoir.
Lors d’une interview sur la radio Wbur, Debenedetti a précisé, à propos de son enquête, qu’Obama «s’inquiète que s’il intervient et parle avec force contre Trump, il ne transforme le débat en un combat Obama versus Trump qui ne servirait pas à grand-chose même s’il pourrait stimuler la gauche. Mais il s'inquiète surtout que cela puisse consolider le lien entre les républicains (ndlr: dont la majorité des élus ont toujours détesté Obama par peur que son projet réussisse) et Donald Trump et que le débat ne tourne qu’en un affrontement peu reluisant entre gauche et droite.»
Et il ne croit pas si bien dire puisque la chaine populiste d’extrême-droite, Fox news, a mentionné son enquête en concluant par une attaque contre… Hillary Clinton, la pleureuse qui fait des «monologues» sur sa défaite, se lamentant d’avoir perdu alors qu’elle a eu «plus de trois millions de voix de plus» que Donald Trump!

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC


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