mardi 5 juin 2018

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Pour un service public médiatique

On parle de service public de l’audiovisuel.
Mais, au moment où celui-ci va connaître sa énième réforme, n’aurait-on pas du aller plus loin et définir plus largement ce que devrait être un service public médiatique de l’information, de la culture et du divertissement ainsi que ses missions prioritaires.
Et celui-ci ne devrait-il pas être intégré, sous une même autorité ministérielle dans un grand service public de la transmission du savoir (c’est-à-dire ce que sont actuellement les départements ministériels de l’Education et de la Culture) et de l’information citoyenne?
Explications.
Un vrai citoyen, c’est-à-dire une personne qui peut réellement exercer ses droits de citoyen doit être bien formé et informé.
Sans ce savoir et sans cette information, il n’y a aucune possibilité pour un individu de pouvoir choisir ce qui est bien pour lui et la communauté dans laquelle il vit.
Et ce savoir et cette information doivent d’abord servir l’intérêt de l’individu pour son existence, son projet de vie, la réalisation de lui-même.
Libre au secteur privé de donner un savoir et une information partisane et/ou délivrée sans les standards de la qualité à la fois dans le fond et la forme.
Mais le service public a une toute autre vocation sinon il n’a aucune légitimité à exister.
Vous pouvez tourner la question dans tous les sens, il n’y a pas d’autre alternative.
Dès lors, un service public médiatique chargé de délivrer, de manière la plus objective, la plus complète et avec la meilleur qualité possible, de l’information, de la culture et du divertissement est une nécessité à côté de toutes les initiatives privées qui font que la liberté d’expression et donc la liberté tout court peut exister et garantir l’existence d’une démocratie républicaine.
Ainsi, ce service public médiatique doit absolument s’inscrire dans un dessein beaucoup plus large, doit avoir une tout autre ambition pour être vraiment efficace et utile, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec le service public de l’audiovisuel, ceci étant la résultante tout autant d’une résistance de ceux qui y travaillent (pour des motifs variés mais jamais légitimes en regard de la mission qu’ils doivent remplir), de ceux qui gèrent (notamment l’Etat) mais aussi de l’histoire de cet audiovisuel public français qui – à l’opposé de la BBC au Royaume Uni – a été conçu dès l’origine d’abord comme un outil au service du pouvoir en place et une manière de verrouiller les nouveaux moyens de communication d’alors (télévision et radio) à son profit.
S’y est ajouté, depuis la libération des ondes dans les années 1980, la multiplication des chaînes et des stations privées puis l’arrivée du numérique, l’entrée dans la concurrence (notamment pour pouvoir le financer avec de la publicité et faire faire des économies pour le budget de l’Etat ce qui nécessite des taux d’audience importants souvent au détriment de tous les autres critères dont ceux de l’utilité et de la qualité) qui ne pouvait que pervertir un modèle déjà largement incapable de répondre aux missions qui justifient son existence.
On peut regretter que, comme toutes les autres réformes de l’audiovisuel public précédentes, on n’ait pas posé les termes du débat de cette manière pour celle qui vient d’être dévoilée.
On est plus dans des ajustements, des rationalités et des économies que dans une vaste réflexion sur ce que doit être un citoyen informé et cultivé dans la démocratie républicaine du XXI° siècle.
Même si Françoise Nyssen en dévoilant un des volets de la réforme voulue par Emmanuel Macron a parlé justement de la mission éducative du service public qui doit être renforcé ainsi que de la reconquête du public jeune et une information de proximité pour les médias locaux et régionaux.
Sans oublier cet objectif fort pour des programmes de qualité, rappelé par la ministre de la Culture, le renoncement à la course effrénée à l’audience dans une compétition avec les chaînes privées qui n’ont d’autres objectifs que de faire des profits et non de rechercher la qualité (mais cette annonce est récurrente à chaque réforme et jamais suivie d’effet).
Non pas, évidemment, qu’il ne faille pas produire des émissions, des documentaires, des fictions et des divertissements qui plaisent à ceux à qui ils sont destinés mais cela ne passe pas par une information spectacle et une sorte de moins-disant culturel car ce n’est pas la mission d’un service public de l’audiovisuel.
Ici, aussi, on ne peut être que satisfait de l’annonce de la mise en place d’une «plateforme éducative» et d’un média social cutlurel ainsi que celle concernant l’entité franceinfo qui devra mettra l’accent sur la lutte contre les fausses informations (les désormais fameuses «fake news») ainsi que sur l’éducation aux médias.
Encore faut-il que la philosophie qui traverse tout le travail du secteur public soit vraiment sous-tendue par cette mission citoyenne qui n’est malheureusement que trop souvent un alibi voire un paravent pour agir comme le privé ou pour développer une ligne politique partisane.
Mais il faudra bien avoir, et le plus tôt possible, cette réflexion globale sur un service public médiatique et une ambition d’une toute autre nature si l’on veut que cette démocratie républicaine fonctionne réellement et pour tous.
Comme le veulent les centristes.


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