mardi 26 août 2008


Actualités – France
Jean Peyrelevade, vice-président du Mouvement démocrate, définit sa politique économique en critiquant celle de Sarkozy


Voici des extraits d’une interview donnée par Jean Peyrelevade au quotidien Les Echos. Dans celle-ci, l’ancien conseiller de Pierre Mauroy quand ce dernier était Premier ministre entre 1981 et 1983 puis président du Crédit lyonnais, nommé cette année vice-président du Mouvement démocrate et chargé des questions économiques par François Bayrou, tout en critiquant le politique économique de Nicolas Sarkozy, définit la sienne, libérale t peu interventionniste. « Sarkozy commet

« Fausse rupture », « fausse réforme », « erreur historique »... Vous publiez cette semaine un ouvrage sans pitié pour Nicolas Sarkozy. Pourquoi attaquer le bilan économique du chef de l'Etat, un an seulement après son élection ?
L'erreur dont il est question est originelle. Le déclencheur est la loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (Tepa) d'août 2007. Aussitôt après son élection, le président a vanté la relance par la consommation comme moyen de soutenir la croissance. Sa thèse principale, encore valable un an après, est d'éviter la rigueur et la remise en ordre volontariste des finances publiques.

C'était dans son programme de candidat !
C'est la raison pour laquelle j'ai voté blanc au second tour de l'élection présidentielle. Mais, à l'époque, j'espérais que les promesses seraient corrigées par un comportement plus responsable après l'installation à l'Elysée. Or j'ai constaté avec étonnement et désappointement qu'au pouvoir, Nicolas Sarkozy a fait preuve d'encore davantage de démagogie et de populisme. Il a fait du pouvoir d'achat le point central de son discours économique. J'y vois la confirmation d'une erreur de diagnostic.

Pour vous, il n'y a donc pas de problème de pouvoir d'achat ?
Je ne dis pas cela. Mais j'observe que, lorsque Nicolas Sarkozy affirmait l'an dernier que le pouvoir d'achat baissait, il se trompait. En 2007, le pouvoir d'achat a augmenté de 3,3 %. Et, sur la durée, il évolue très exactement comme le taux de croissance. Faute de restaurer la compétitivité de nos entreprises, je crains qu'il ne continue de faiblir. C'est comme si en Formule 1 on ne s'intéressait qu'à la santé du pilote et pas à celle de la voiture.

Sur le partage de la valeur ajoutée, vous êtes en désaccord complet avec l'idée dominante selon laquelle les salaires, et donc les ménages, sont désavantagés...
Je regarde les chiffres. Dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi de Finances pour 2008, je vois que le taux de marge des entreprises non financières est passé de 33 % en 1989 à 30,7 % en 2006. C'est le score le plus faible de toute l'Europe, où la moyenne est à 38 %.

Vous écrivez que le président de la République est « un champion de la résolution des problèmes simples ». Est-ce à dire qu'il n'aborde pas les vraies questions ?
Chaque réforme est utile en elle-même, mais il n'y a jamais d'analyse des effets induits. Sur le temps de travail par exemple, le chef de l'Etat détricote les 35 heures en assouplissant le régime des heures supplémentaires, mais avec des exonérations d'impôt et de cotisations sociales qui coûtent à l'Etat et à la Sécurité sociale 6 milliards d'euros par an, d'après Bercy. Selon mes calculs, ce sera plutôt 8 ou 9 milliards. Qu'est-ce que cela rapporte en termes de marge à l'appareil productif ? A peu près rien ! En vérité, nous n'aurons pas plus de croissance et de pouvoir d'achat tant que la compétitivité n'aura pas été restaurée.

Vous êtes également très dur avec la gauche, avec laquelle vous avez travaillé dans les années 1980. Que reprochez-vous au Parti socialiste ?
Le PS tourne le dos à la vraie culture de gouvernement qu'il avait acquise. Il est revenu à une approche idéologique qui fait de l'entreprise un lieu d'exploitation et de son patron un oppresseur. Lionel Jospin porte une grande responsabilité dans cette affaire.

Le débat entre politique de l'offre et politique de la demande a-t-il un sens ?
Bien sûr, à condition de savoir à quel moment agir et sur quel levier. Depuis 2000, sans interruption, la demande interne progresse plus vite que la production. Et la France a une fâcheuse tendance à continuer de fouetter la demande pour relancer la croissance alors que nous ne sommes pas en état de produire assez. C'est ce qui explique la détérioration permanente de notre commerce extérieur. En fait, Nicolas Sarkozy commet la même erreur que François Mitterrand en 1981 : il anticipait une croissance qui n'est jamais arrivée.

Quel jugement portez-vous sur la loi de modernisation de l'économie entrée en vigueur début août ?
C'est une petite loi. La négociabilité des prix et la libération des surfaces dans la grande distribution relèvent d'un libéralisme très limité. Les effets en seront positifs mais de faible ampleur.

En quoi François Bayrou, dont vous avez rédigé le programme économique en 2007, aurait-il été davantage libéral que Nicolas Sarkozy ?
François Bayrou avait le mérite incontestable de dire que les déficits étaient intolérables et que le retour à l'équilibre constituait un préalable à toute action. C'est pour cela que je l'ai rejoint.

Pourquoi dénoncer la « faveur inégalée » accordée aux PME par le gouvernement, alors que le CAC 40 travaille désormais, pour l'essentiel, à l'étranger ?
On appelle trop souvent PME des objets qui n'en sont pas. Sur les 2,6 millions d'entreprises que compte la France, 900.000 n'ont aucun salarié. Le gouvernement fait fausse route en ne s'intéressant qu'aux très petites entreprises ! Le projet de réduire la TVA dans la restauration est l'illustration de mon propos. Le président de la République accède à une revendication insistante dans un secteur non stratégique, où l'exposition à la concurrence internationale est nulle. Et cela coûte 3 à 4 milliards d'euros ! Qui va payer ? Indirectement, les grosses PME et les groupes exportateurs.

Que faudrait-il faire pour redresser la compétitivité de l'appareil productif français ?
Il faut commencer par rééquilibrer les finances publiques. C'est un préalable. Pour y arriver, il faut arrêter les dépenses fiscales. Les Allemands l'ont fait. On ne peut plus dire à tout bout de champ que telle ou telle forme de travail mérite d'être exonérée : les heures supplémentaires, l'intéressement, les stock-options... Ensuite, je préconise trois mesures. En priorité, il faut alléger les charges qui pèsent sur les entreprises, en commençant par la taxe professionnelle. Cela permettrait de soutenir le secteur le plus exposé à la bataille économique mondiale, l'industrie. Il faut par ailleurs investir dans la recherche et dégager un vrai budget d'intégration sociale dans les quartiers difficiles.

« L'économie française est aujourd'hui fortement déséquilibrée, autant que celle du François Mitterrand de l'été 1981 », dites-vous. En 1983, Pierre Mauroy Premier ministre, dont vous étiez le collaborateur, avait choisi la rigueur. Au même problème préconisez-vous la même solution ?
Je suis pour la rigueur, en l'adaptant bien évidemment à la situation économique et politique actuelle. En 1983, il y avait un élément de dramatisation avec l'épuisement des réserves en devises et la menace d'un arrêt des importations. D'où la dévaluation. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

A quoi devrait s'appliquer cette rigueur aujourd'hui ?
De toute évidence à la Sécurité sociale. A la Libération, notre pays a choisi un système de répartition dans lequel les actifs paient pour les inactifs, les bien-portants pour les malades. C'est une gigantesque mutuelle. Très bien. Mais quand les dépenses d'une mutuelle dépassent les recettes, que se passe-t-il ? La mutuelle est tenue d'être à l'équilibre et elle fait un rappel de cotisations. Depuis dix ans, l'Etat a inventé un système de répartition à crédit, une mutuelle à crédit. Ce sont les actifs d'après-demain qui financeront les dépenses d'assurance-maladie d'aujourd'hui. Il faut dire aux Français que les cotisations doivent augmenter.

Quel regard portez-vous sur la revue générale des politiques publiques et sur le serrage des dépenses annoncé pour 2009 ?
Plus le nom est ronflant, plus le résultat est faible. D'après les pronostics du gouvernement, la RGPP dégagera 5 ou 6 milliards d'euros en 2011. C'est-à-dire qu'elle ne pourra résorber que 10 % du déficit de l'Etat. Il ne suffira donc pas de réduire les dépenses. Que fait-on pour les 90 % restants ?

On augmente les impôts ?
Dans une phase transitoire, pour redresser le pays, la hausse des prélèvements obligatoires est incontournable.

Propos recueillis par Guillaume Delacroix
© 2008 Les Echos

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