mardi 23 mai 2023

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La condition humaine et la question de l’eau

La gestion de l’eau est emblématique de notre condition humaine, des lacunes de celles-ci dans nos connaissances et dans notre capacité à anticiper les problèmes, des comportements irresponsables et égoïstes en tant que sans eau pas de vie sur Terre.

La ressource eau potable a toujours été un problème pour l’Humanité.

Pendant des siècles, nombre de personnes mourraient pour avoir bu de l’eau viciée et l’on préférait boire du vin ou de la bière dans certaines communautés afin d’échapper à ces maladies mortelles qu’on savait venir de l’eau sans savoir pourquoi.

Les découvertes scientifiques ont permis de proposer de l’eau en quantité et en qualité dans beaucoup de pays du monde depuis le 19e siècle.

Mais le manque d’eau et une absence de potabilité demeurent dans beaucoup de régions du monde.

Néanmoins, l’idée de manquer d’eau au niveau de la planète n’a jamais été une préoccupation des politiques publiques ainsi qu’une crainte des populations.

Il pouvait y avoir, ici ou là, des pénuries ou des pollutions qui pouvaient priver des populations d’eau localement et de manière conjoncturelle.

Ce qui fait que les politiques de protection de cette ressource étaient rares, peu importantes sauf là où la pénurie était structurelle comme dans les pays du Sud où les plus riches ont commencé à se doter d’usines de désalinisation d’eau de mer malheureusement hautement polluantes encore aujourd’hui.

Quant aux potentielles «guerres de l’eau», elles semblaient être dues à des situations locales qui avaient peu d’incidences sur l’ensemble de la planète.

L’exemple-type de ce désintérêt pour prendre le problème à la racine vient des propos du président américain George W Bush qui, lorsqu’on lui faisait remarquer que les Etats-Unis consommaient beaucoup trop d’eau, asséchant lacs, rivières et nappes phréatiques a répondu qu’il suffirait d’aller la chercher au Canada!

Les Canadiens ont répondu qu’il en était hors de question mais que pourront-ils faire le jour où les Américains auront vraiment besoin de leur eau?!

Pourtant, alors que l’on consacre des milliards pour des politiques et des produits qui ne sont pas indispensables à notre existence, l’eau est demeurée cette ressource qui serait soi-disant toujours disponible en quantité suffisante et que l’on pourrait rendre potable grâce aux technologies maitrisées.

Point donc de «plan eau», d’infrastructures adéquates, de gestion rationalisée, etc.

Même quand des problèmes sont apparus qui indiquaient que ce n’était pas des épisodes passagers mais des tendances lourdes, les réactions n’ont pas été à la hauteur de l’enjeu.

Rappelons-le: sans eau pas de vie.

Si, désormais, avec le réchauffement et donc le dérèglement climatiques, la pénurie d’eau du fait de son utilisation débridée et aucunement encadrée, menace des Etats-Unis à la Chine en passant par l’Europe, des pays qui ne sont pas pauvres et démunis, c’est parce que nous n’avons pas mis en place les politiques et les mesures qu’il fallait parce que trop «contraignantes» et «chères».

Tout cela dit quelque chose de notre condition humaine, de notre incapacité à bâtir un monde où nous prenons en compte les fondamentaux de notre existence.

L’espèce humaine, toute intelligente et capable de réalisations exceptionnelles qu’elle est, ne s’intéresse aux problèmes que quand ils sont là ce qui est souvent trop tard.

Au lieu d’édifier nos société sur du solide, nous accumulons des strates fragiles en espérant que cette construction tienne le plus longtemps possible.

Du coup, au lieu de régler des problèmes assez facilement quand il en est encore temps, nous nous retrouvons au pied de montagnes gigantesques de défis que nous avons bien du mal à résoudre correctement.

L’eau est un exemple typique de nos comportements parce qu’elle est au cœur de nos vies et que nous avions les moyens de sécuriser nos approvisionnements mais que nous avons voulu croire qu’elle serait toujours une ressource «infinie» et qu’il serait toujours temps de s’en occuper «si jamais».

Nous avons fait et faisons la même chose avec l’alimentation, la pollution, l’énergie et bien d’autres domaines.

Changer drastiquement notre vision semble une gageure, non seulement parce que nous n’y sommes jamais parvenus jusqu’à présent, mais parce que cela entraînerait des remises en question que ne sont pas prêts à accepter de larges pans de la population voire de pays tout entiers.

Pourtant, il faudrait que nous prenions enfin conscience de la précarité de la vie humaine face à des réalités qu’il ne suffit plus de nier ou encore de minimiser.

L’espèce humaine en est-elle capable collectivement et solidairement?

Son histoire prouve le contraire.

 

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