lundi 7 mai 2012

Vues du Centre. La Chronique de Jacques Rollet. Quelques réflexions après le deuxième tour


Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.

Jacques Rollet est politologue et auteur de plusieurs livres dont «Tocqueville» (Montchrestien 1998), «Religion et politique» (Grasset 2001), «La tentation relativiste» (DDB, 2004), «Le libéralisme et ses ennemis» (DDB, 2012). Il tient ici une chronique régulière.

La victoire de François Hollande à 51,6 % est nette sans pour autant constituer le raz de marée annoncé. Les derniers sondages le donnaient à 52,5% minimum. Il ya donc eu un resserrement dans les derniers jours.
La France est divisée en deux blocs mais François Hollande est évidemment le président de tous les Français
Le Centre est devant son avenir et ses membres dont je suis doivent dessiner un projet de rassemblement. Il concerne a priori les centristes de l’UMP, l’Alliance centriste de Jean Arthuis, le Nouveau Centre d’Hervé Morin, et les radicaux de Jean-Louis Borloo.
Objection diront certains: Pour quoi dire et pour quoi faire?
En d’autres termes, quelle est la différence avec l’UMP et avec le PS?
- Le Centre n’est pas identique à l’UMP
Le Centre comme famille politique et culturelle ne constitue pas un clan, ce qui est le cas des héritiers du gaullisme. Il faut rappeler un point essentiel: l’UMP est essentiellement constituée par d’anciens membres du RPR. L’artisan de cette création est Alain Juppé, ne l’oublions pas. Nous sommes en présence d’un parti bonapartiste, étatiste, dont les barons ont des fiefs qu’ils gardent par tous les moyens, en contrôlant quand ils le peuvent les communautés de communes et d’agglomération. Ils ne sont favorables à la décentralisation que pour autant qu’elle est celle des notables. Ils sont opposés à l’élection des conseillers intercommunaux au suffrage universel direct. Au plan de l’Europe, ils sont opposés à tout projet de fédéralisme. Ces quelques lignes dessinent exactement le profil de l’élu UMP et de son idéologie. On devine déjà la différence avec la vision politique d’un centriste.
- Le Centre n’est pas identique au PS
Le Parti socialiste a le culte de l’Etat qu’il appelle républicain pour faire oublier le caractère outrancier des interventions dans la vie économique et financière. On pourra m’objecter que les socialistes ont libéralisé l’économie sous Bérégovoy qui avait dans son ministère un certain Bernard Tapie... Mais ils n’ont jamais rien reconnu si bien qu’ils sont des antilibéraux forcenés. Il va être intéressant de voir ce que va faire François Hollande au plan économique et comment ses propositions de relance vont être accueillies en Europe.
Le Parti socialiste développe en même temps un égalitarisme à tout crin qui a encore été proclamé par le nouveau président hier soir à Tulle. Il l’a identifié à la justice sans donner la moindre justification pour cette pétition de principe.
Ce même parti a des leaders qui n’ont toujours pas compris que nous sommes dans une crise économique et financière dont les responsabilité incombent pour l’essentiel à l’accumulation des dettes de l’Etat depuis trente ans. Ils suivent ainsi des économistes keynésiens comme Jean-Paul Fitoussi ou de la gauche extrême comme Jaques Généreux.
Enfin le Parti socialiste et son candidat sont libéraux culturels comme on dit en science politique. Ils sont en effet favorables au «mariage» homosexuel, à l’adoption d’enfants par les couples du même nom, à la procréation artificielle pour les femmes homosexuelles, à l’euthanasie. Ils sont donc favorables à tout ce qui peut déstructurer le vivre-ensemble sur la base de valeurs morales incontestables.
- Alors le Centre?
La tradition démocrate-chrétienne se situe en différence incontestable avec les deux partis présentés ci-dessus. Elle a le sens de la personne humaine comme lieu de dignité, de décision, de responsabilité. En ce sens elle est anti-étatiste parce que précisément, elle n’attend pas de la politique, le salut de l’humanité comme la Gauche. Elle sait de par la tradition chrétienne que le salut de l’homme n’est pas aux mains de l’homme. Elle est favorable par conséquent à la réforme, particulièrement à celles qui favorisent le principe de subsidiarité. Elle considère que la révolution est antinomique avec la démocratie si cette dernière se caractérise par l’Etat de droit. Vouloir la révolution, c’est considérer qu’on peut changer l’humanité. C’est un mythe comme l’a bien montré Raymond Aron dans L’opium des intellectuels publié dans les années cinquante.
Le centriste est libéral au plan politique, mais également au plan économique dans la mesure où il considère que le marché comme principe de production et de consommation est le meilleur régulateur de la vie économique et du dynamisme de chacun dans sa vie professionnelle. La concurrence doit évidemment être libre et non faussée. Si on est en désaccord avec cela, on est favorable aux monopoles…
La démocratie chrétienne a fondé l’Europe avec la social-démocratie; elle est favorable à une démarche conduisant au fédéralisme, donc à un pouvoir qui ait une compétence financière, ce qui n’est pas encore le cas.
Enfin la tradition démocrate-chrétienne est opposée à ce fameux libéralisme culturel dont nous avons donné les traits principaux ci-dessus. C’est la dignité de la personne qui est en jeu et on peut s’étonner que Nicolas Sarkozy ne l’ai pas dit dans le débat qui l’a opposé à François Hollande…
Le Centre, dans sa composante démocrate-chrétienne, existe donc idéologiquement; il lui reste à s’organiser, évidemment sans François Bayrou qui, selon moi, s’est suicidé politiquement la semaine dernière.

Jacques Rollet.