mardi 4 février 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La démocratie est-elle stupide?

Insultes, mensonges, moqueries, menaces, violences, tromperies, détournements, instrumentalisation, exploitation la démocratie reçoit des coups de tous les côtés, tous les jours, attaquée de l’intérieur comme de l’extérieur.
Cela a toujours été le cas même si, par moments, les attaques ont été plus nombreuses et virulentes comme c’est sans doute le cas actuellement.

Face à une telle déferlante de haine et de défiance à son égard, sa réponse semble souvent complètement hors de la réalité, d’une faiblesse coupable.

Dans un immobilisme et une inertie incompréhensibles, elle semble méjuger et sous-estimer les menaces qui pèsent sur son existence même dans une sorte d’incapacité constitutive.

Pire, elle semble être honteuse de ce qu’elle est.

Ainsi, on reste encore aujourd’hui assez sidéré par la facilité déconcertante avec laquelle le fascisme et le nazisme ont pu s’imposer dans deux pays démocratiques, l’Italie et l’Allemagne (le communisme, lui, s’est quasiment toujours établi dans des pays qui n’étaient pas démocratiques).

De même, à notre époque, les succès et/ou la montée en puissance des populistes et des extrémistes dans nombre de pays démocratiques rend mal à l’aise et tend à faire penser que, peut-être, la démocratie n’a pas la capacité de s’opposer à ses ennemis.

Alors, une question vient spontanément à l’esprit: est-elle stupide?

Deux réponses semblent s’imposer:

La première est que la démocratie est fragile.

On ne le redira jamais assez, elle n’est pas un régime «naturel» mais bien une construction culturelle qui permet à l’individu d’être libre et égal dans un monde dominé généralement par l’asservissement et le rapport de force.

Cette fragilité constitutive fait qu’elle est souvent démunie face aux assauts et autres coups de main de ses adversaires qui connaissent bien ses points faibles.

La deuxième est que la démocratie est, in fine, ce que nous en faisons.

En clair, elle n’est qu’un kit de construction que nous avons à notre disposition et que nous devons utiliser pour bâtir notre société en regard des valeurs de référence qu’elle nous indique.

Le résultat de notre édifice n’est donc pas ce qu’est la démocratie dans l’absolu mais bien ce que nous avons construit grâce à ce kit et par rapport à ces valeurs, c’est-à-dire un système qui tend vers la démocratie sans jamais se confondre totalement avec elle.

Mais, plus grave, nous pouvons assez facilement pervertir la démocratie en instrumentalisant et pervertissant ses règles et ses principes, même ses valeurs.

Cela peut être le fait de la majorité de la société mais également de groupes particuliers (sans parler évidemment d’acteurs extérieurs).

Dès lors, non, la démocratie n’est pas stupide mais naïve, au bon sens du terme, une naïveté qui fait sa qualité.

Ce n’est donc pas à elle de nous protéger mais à nous de le faire pour qu’elle nous délivre tous ses bienfaits.

C’est à nous d’être les gardiens de la démocratie dans une mobilisation et une vigilance constantes et non de considérer qu’elle est un roc indestructible et une donnée intangible, ce qu’elle n’est pas et ne sera jamais.

Dans ce troisième millénaire naissant, les défis qui sont devant elle sont vertigineux et elle ne pourra les relever que si elle est sans cesse fortifiée par notre volonté de vivre libres et égaux, solidaires et tolérants dans le respect de la dignité de chacun.

Sinon, elle mourra.

Jamais de sa faute mais uniquement de la nôtre.

Jamais de sa stupidité mais de notre imbécillité.

Avec cette autre question métaphysique et angoissante: l’humain mérite-t-il vraiment la démocratie?

J’aimerais répondre que oui…




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