mardi 16 mai 2023

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Et si les médias empêchaient l’émancipation du citoyen

Que ce soit par motivation commerciale ou idéologique, les médias ne remplissent pas leur devoir citoyen de délivrer une information la plus juste et la plus objective possible (sachant que la «vérité» est un leurre er que l’objectivité totale impossible).

Bien sûr, selon leurs orientations politiques – sauf pour les médias de service public –, libres à eux, ensuite, de la commenter et de donner leur opinion.

Ce dont je parle est la matière première, les faits, qui, rapportés au plus près de la manière dont ils se sont déroulés, font la véritable information journalistique.

Et cela a une conséquence capitale: l’impossible émancipation du citoyen car celui-ci a besoin de cette information citoyenne pour qu’il puisse, grâce à sa formation (enseignement par l’école et autres moyens de se cultiver), être capable d’être responsable de son projet de vie mais aussi de ses actes.

Pour prendre la mesure de ce que cela représente comme carence dans le processus qui permet au citoyen d’être capable de prendre des décisions concernant ses intérêts et ceux de sa communauté en se basant sur des informations les plus proches possibles de la réalité, imaginons que l’on enseigne à l’école que la Terre est plate, que ce sont les autres planètes et le soleil qui tournent autour d’elle et que les autres étoiles ne sont que des ampoules accrochées à la voûte céleste.

Ou imaginons que pour soigner le cancer, on lui enseigne qu’il faille faire des saignées et traiter les «humeurs».

Comment, dans ces conditions, le citoyen pourrait-il appréhender en toute connaissance de cause et vivre libre dans un monde où il aurait sciemment trompé par l’enseignement qu’il a reçu?

Eh bien, nous sommes proche de cette configuration avec les dérives de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves des médias avec la réalité.

Je ne plaide pas pour revenir un âge d’or qui n’a jamais existé dans la presse où ces manquements au devoir d’informer ont toujours été présentes.

Le journalisme du 19e siècle et du début du 20e siècle en France était aussi gangréné par les intérêts commerciaux et idéologiques.

Pendant longtemps le commentaire était valorisé par rapport à la description des faits.

Néanmoins, une avancée dans l’information citoyenne avait eu lieu avec cette idée que le journalisme avait une mission didactique qui était de lui donner les éléments factuels essentiels à son émancipation.

La Charte de déontologie du journaliste rédigée par le SNJ (Syndicat national des journalistes) en 1918 et qui servira plus tard de modèle à la Fédération européenne des journalistes pour sa Charte dite de Munich en 1971, démontrait cette volonté.

Tout n’était pas parfait mais il semblait que les avancées dans ce domaine étaient irréversibles.

Malheureusement le troisième millénaire naissant allait connaître une régression spectaculaire dans cette mission libératrice.

On peut bien sûr pointer l’émergence d’internet et des réseaux sociaux vis-à-vis desquels la presse traditionnelle, après une tentative de résistance, se calqua sur leurs codes pour le pire.

Cependant, ce serait trop facile de trouver uniquement des responsables extérieurs de cette dérive.

Parce que la déontologie journalistique aurait dû l’empêcher, ce qui n’a pas du tout était le cas, démontrant que les journalistes et les propriétaires des médias n’avaient aucunement comme but cette information citoyenne mais que la concomitance entre celle-ci et leurs intérêts commerciaux et idéologiques était conjoncturelle et non structurelle.

Nous voilà donc dans un monde où ni la réalité des faits, ni leur hiérarchie, ni leur importance pour l’information du citoyen ne sont des priorités absolues.

Nous voilà dans un monde où les faits ne sont plus la matière première pour informer mais, par leur manipulation, pour raconter des réalités alternatives qui servent l’intérêt, non pas du citoyen, mais du média, de ses intérêts commerciaux et/ou idéologiques.

Tout cela a une conséquence désastreuse pour le projet démocratique qui ne peut exister sans un citoyen qui, pour être, émancipé et responsable, doit être correctement formé et informé.

 

 

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