samedi 10 juin 2017

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Macron «piégé» par Bayrou ou par lui-même?

Depuis qu’il est devenu président de la république, Emmanuel Macron a plus souvent entendu parler de François Bayrou comme d’un handicap plutôt que comme d’un atout.
Ainsi, se sont succédé deux «affaires» impliquant Bayrou et son parti, qui ont mis à mal l’image de la «nouvelle politique» qu’il veut mettre en place.
Il y a d’abord eu l’affaire des investitures de candidats du Mouvement démocrate pour les législatives.
Celle-ci a montré qu’il y avait bien eu une négociation «à l’ancienne» entre Emmanuel Macron et François Bayrou qui a porté, notamment, sur un deal avec soutien du dernier pour le premier à la présidentielle contre entre une trentaine et une cinquantaine de députés pour les législatives.
Et il y a maintenant l’affaire des assistants parlementaires des députés européens du MoDem.
Celle-ci montre que pour se financer, le parti centriste a eu recours aux mêmes artifices que les autres alors même que Bayrou a toujours fustigé ces pratiques et que la partie publique de l’«alliance» entre les deux hommes s’est faite sur la moralisation de la vie politique...
Entre deux, ce dernier a été particulièrement bien servi lors de la constitution du gouvernement avec le ministère de la Justice pour lui ainsi que le titre de ministre d’Etat et la troisième place dans la hiérarchie ministérielle sans oublier la nomination aux affaires européennes de sa plus proche collaboratrice, Marielle de Sarnez en récompense de son alliance.
On pourrait y ajouter Sylvie Goulard au ministère des Armées.
Ce qui a fait grincer quelques dents à La République en marche.
On n’ose pas croire qu’Emmanuel Macron ne s’était pas renseigné sur François Bayrou avant de faire alliance avec lui.
Il aurait su, d’abord, que le soutien du maire de Pau n’était évidemment pas gratuit.
Le président du MoDem, malgré ce qu’il prétend, agit toujours dans un donnant-donnant, ce qui n’est d’ailleurs pas critiquable en soi.
Cela le devient quand tout est mis sur la place publique en portant préjudice à son allié comme cela a été le cas pour les investitures.
D’autant que cette passe d’armes a fait de nombreux mécontents chez les autres alliés d’Emmanuel Macron, dont certains ont pu alimenter la deuxième affaire, celle des assistants parlementaires.
Là aussi, le nouveau président de la république aurait pu savoir en creusant un peu que le MoDem se trouvait dans des difficultés financières importantes malgré les dires de François Bayrou et qu’il se devait de trouver des solutions pour assurer son fonctionnement quotidien (on ne sous-loue pas une parti de ses locaux si tout va bien en la matière…).
Tout cela ressemble à de la «vieille politique».
Et, d’un certain côté, cela n’est guère étonnant puisque François Bayrou est bien un des principaux représentants de cette vie politique qui se déroule depuis quarante ans.
En disant cela, je ne porte pas de jugement de valeur, n’étant pas dupe de tout ce que la séparation entre nouvelle et vieille politiques a de factice et d’usurpé.
Dès lors, Emmanuel Macron n’a sans doute pas été piégé par François Bayrou mais s’est piégé lui-même dans une alliance qu’il pensait importante pour lui et sa candidature, surtout qu’il pensait maîtriser.
Sans souscrire à l’idée que c’est le président du Mouvement démocrate qui lui a permis d’être au second tour et de remporter l’élection, on peut néanmoins considérer que Macron a réussi avec cette alliance à éliminer un candidat qui pouvait lui confisquer de nombreuses voix tout en parasitant sa campagne, on se rappelle de la violence avec laquelle Bayrou parlait alors de lui.
Cependant il a sans doute sous-estimé le prix politique qu’il faudrait payer et la difficulté de gérer le comportement du maire de Pau comme Alain Juppé s’en était aperçu à ses dépends.
Et il ne savait certainement pas qu’il y aurait peut-être des cadavres dans le placard du MoDem.
François Bayrou a très bien joué le coup pour lui et son parti jusqu’à présent (comme j’estime qu’il l’a fait lors de son alliance avec Alain Juppé lors des primaires LR), jusqu’à ce que les résultats des législatives soient connus et que l’on sache dans quel sens vont aller les investigations sur les assistants parlementaires.
En revanche, cela se discute pour Emmanuel Macron.
Sans doute qu’une large victoire de La République en marche lors des législatives validera sa stratégie.
C’est alors François Bayrou qui pourrait connaître le contrecoup de la sienne si la justice, dont il est le garde des sceaux, venaient à découvrir quelques faits gênants à son encontre.


1 commentaire:

  1. Je souscris largement à votre analyse: Macron s'est sans doute piégé lui-même en acceptant l'alliance avec le MoDem. Mais il avait besoin de cette alliance et de Bayrou comme "caution centriste". Le renouvellement promu par Macron a ses limites, et ces limites étaient prévisibles: on ne peut pas faire table rase. Il fallait bien composer avec une partie de l'ancienne classe politique et de ses pratiques. Le renouvellement ne se fera pas en un jour. En ce qui concerne l'affaire des assistants parlementaires du MoDem, les sondages d'opinion nous montrent que, pour l'heure, elle ne semble pas remettre en cause la victoire de LREM aux législatives. Respectons la présomption d'innocence et laissons faire le parquet financier. Les accusations portées contre les eurodéputés MoDem ont été démenties par les instances du parti, qui affirment avoir respecté la loi et parlent d'emplois à temps partiel rémunérés par le MoDem. D'ailleurs, Mme de Sarnez a plutôt la réputation d'être une travailleuse insatiable et d'user ses assistants parlementaires jusqu'à l'os (personnellement, je la vois mal refiler des emplois fictifs à des assistants parlementaires de complaisance, mais cela n'engage que moi).

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